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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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« territoire français » restait quelque chose d’infiniment vague. Comme leurs arrière-grands-pères, leurs grands-pères et leurs pères, ils pensaient encore province. L’unité nationale ne leur disait rien. Si on leur avait annoncé que des brigands ou des troupes ennemies menaçaient les frontières de la généralité ils auraient bondi sur leurs fourches, mais les Pyrénées, le Rhin ! Ils ne savaient seulement pas de quoi il s’agissait. En allant visiter les districts, Jourdan, Dalesme, Longeaud découvraient avec stupeur des chefs-lieux de canton même où l’on ignorait qu’il existât une garde nationale et où l’on n’avait jamais entendu parler de Fédération.
    Sur les instances de Pierre Dumas éperonné par Claude, le directoire avait fait, un peu plus tard, un autre effort en adressant, directement cette fois, un appel aux citoyens. Appel plus vibrant, plus inspiré, où l’on reconnaissait la plume de Dumas. «  La patrie est en danger ! proclamait-il. L’État est menacé par la ruée des transfuges, par leurs coupables adhérents et par les puissances ennemies. Loin d’être découragée par l’arrêt du Roi, l’armée des mécontents n’est que plus furieuse d’avoir manqué un coup qu’elle croyait décisif. Volez à la défense de la patrie ! Nous avons pensé que dès que vous sauriez que la nation avait besoin de vos bras, vous courriez vous présenter. Jeunes héros ! soldats de la liberté ! et vous, citoyens qui ferez à la cause publique le sacrifice de votre fortune, vos noms, votre don seront gravés dans nos cœurs pour être transmis à la postérité ! »
    Lu dans les communes au son du tambour, ce message plus frappant provoqua quelques inscriptions, mais au milieu d’une confusion totale. Les municipalités se perdaient dans l’embrouillement des institutions militaires. On confondait les volontaires des gardes nationales urbaines ou villageoises, la conscription des gardes nationaux volontaires pour la défense du territoire, l’inscription des citoyens volontaires pour un engagement de trois ans comme soldat auxiliaire – ceux-ci, une fois inscrits, ne quitteraient leurs foyers que si une guerre éclatait –, enfin le recrutement habituel des troupes de ligne, qui continuait par engagements volontaires provoqués par des sergents recruteurs, comme avant la Révolution. Dans les bourgs, des hommes, des jeunes gens s’inscrivaient ; quand on leur expliquait qu’ils allaient « voler aux frontières », surtout qu’ils devaient fournir eux-mêmes leur équipement, il n’y avait plus personne, ou presque. Comme le disait Antoine Malinvaud : « Les jeunes héros consentiraient à donner leur sang, mais payer pour aller se battre ce serait un comble ! » Les souscriptions publiques ouvertes par les mairies pour couvrir ces frais d’équipement ne produisaient pas grand-chose.
    La déclaration de Pillnitz, connue en Limousin le 27 août, provoqua une indignation favorable au recrutement. Néanmoins, vers la fin septembre on comptait à peine, dans toute
    l’étendue de la Haute-Vienne, un millier d’inscrits pour la défense des frontières, alors que le chiffre fixé par la loi, pour le département, s’élevait à mille deux cent quarante-huit hommes. Donnant l’exemple, Jourdan, Dalesme, ancien soldat au régiment de Rouergue, s’étaient engagés. Malinvaud, tout en proclamant que c’était stupide, finit par faire comme eux. Bernard, torturé, ne pouvait se résoudre à imiter ses amis. Tout, d’une part, l’y obligeait : son amitié, ses opinions, ce grade de sous-lieutenant qu’il avait atteint presque malgré lui dans la garde et qui lui commandait de donner, lui aussi, l’exemple. En s’abstenant, il lui semblait trahir. Tout, d’autre part, le retenait à Limoges. En « s’engageant, ne trahirait-il pas aussi Léonarde, Jean-Baptiste, surtout lui-même ? Se serait-il obstiné à rester ici, s’accrochant à son métier, pour l’abandonner maintenant ? Il aurait refusé d’être soldat à Paris, sacrifiant le bonheur de vivre près de Lise, pour partir au moment où elle annonçait son retour ! Avait-il supporté loin d’elle ces deux ans de marasme pour renoncer à elle quand elle allait arriver ?
    Il ne pouvait s’ouvrir de cette raison à Jourdan, qui ne cherchait point à l’endoctriner mais s’étonnait – Bernard le sentait bien – de le voir si peu patriote. Jourdan n’hésitait pas, lui, à

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