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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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que leurs anciens ne leur inspiraient de respect. Ils semblaient confirmer par leur attitude ce que Claude avait entendu dire, ces jours derniers, au club : que les nouveaux venus, particulièrement les députés du Midi, les considéraient, eux Constituants, comme des ramollis, des médiocres dont les royalistes avaient eu beau jeu. Quant à leur fameux ouvrage : la « sainte » Constitution, ces coquelets la tenaient pour un tissu d’inepties.
    Tout cela était sans doute très exagéré. De bonnes âmes outraient assurément les propos, peut-être un peu légers, des jeunes représentants, pour créer entre eux et leurs aînés – toujours prépondérants dans les clubs – un antagonisme des plus profitables à la Contre-Révolution. Il ne fallait point prêter l’oreille à de tels racontars. Néanmoins, à la façon dont les occupants des banquettes levaient la tête vers les tribunes, à leurs regards, à leurs chuchotements, on pouvait comprendre qu’ils acceptaient mal ces anciens réunis là-haut comme un corps de pères-conscrits, et qu’ils ne souffriraient pas longtemps, dans une enceinte où ils étaient à présent les maîtres, cette persistance de la précédente assemblée.
    Cette première séance, toute consacrée à la vérification des pouvoirs, comme le seraient encore les deux ou trois suivantes, ne pouvait donner aucune indication certaine sur les dispositions ni les talents. C’est pourquoi Claude aurait voulu attendre une quinzaine de jours avant de quitter Paris. Il n’en était plus question, et cela l’ennuyait – absurdement, car enfin il n’y avait plus aucun rôle pour lui dans le jeu politique. La nouvelle législature devait Jurer deux ans. Quelles éventualités se présenteraient-elles alors ? il n’en savait rien, mais d’ici là, il ne lui restait qu’à oublier le théâtre parisien, à faire – un peu tard – comme Montaudon, ou bien à reprendre sa profession d’avocat : profession devenue peu florissante avec la simplification des tribunaux. De toute façon, il trouverait aisément à Limoges, avec l’aide de ses amis, soit une clientèle soit un poste. La vérité, c’est qu’avant la lettre de Bernard il cherchait plus ou moins des prétextes pour demeurer quelque temps encore dans ces lieux dont il lui coûtait de s’arracher.
    Aujourd’hui, il regrettait un peu sa promesse trop impulsive. Que diantre ! les volontaires limousins ne s’en iraient pas si vite ! Certes, il aimerait revoir Bernard, bien entendu, ce noble Bernard. Mais il y avait ici tant de questions pendantes ! Quelle majorité allait-elle se dégager de la droite et de la gauche, dans le corps législatif ? Sur quel pied s’établirait ses rapports avec le Roi ? Qui remplacerait Bailly à l’Hôtel de ville ? Quelle attitude allait adopter La Fayette ? L’Assemblée, par un de ses ultimes décrets, lui avait repris le commandement de la garde nationale pour le répartir entre six chefs de légion qui l’exerceraient à tour de rôle. Apprendre cela de loin, en lisant les gazettes, c’était tout autre chose que de vivre, en quelque sorte, ces questions, d’influer sur les réponses par le moyen du club. Et puis, certes, il aimerait voir Bernard, mais il ne lui plaisait pas – oui, il ne lui plaisait pas – que Lise le vît trop.
    Ah ! quel affreux sentiment ! indigne d’eux trois. Quel sentiment rétrograde ! Quelle odieuse tyrannie dans cet égoïsme ! Il voulait Lise pour lui seul, sans se soucier de ce qu’elle pouvait vouloir, elle, de ses désirs, de son bonheur, de sa liberté.
    Cette liberté de tous, à laquelle Bernard, en courant la défendre, sacrifiait ce que lui promettait la présence toute prochaine de Lise, cette liberté pour laquelle lui, Claude, luttait depuis si longtemps, allait-il donc la refuser à un seul être, justement parce qu’il lui était le plus cher ! Voilà bien à quelle sauvage déraison la nature de l’homme l’induit. Eh bien non ! la barbarie ne triompherait pas ! Si l’on ne tue pas d’abord en soi-même l’instinct du despotisme, comment prétendrait-on en purger le monde ?
    Claude comprenait bien pourquoi cet instinct s’éveillait en lui. D’abord parce qu’il aimait, admirait, désirait toujours davantage sa femme. Il était encore bien plus attaché à elle que lors de leur séparation après les premiers mois manqués. Et il se rendait compte que si les sentiments de Lise pour lui se fortifiaient eux

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