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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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s’exclama Bernard suffoqué, tandis que, pouffant de rire, elle ajoutait :
    — Ça lui a coûté chaud, si cette assurance peut te faire plaisir.
    — Non, point du tout.
    — Oh ! quoi ! dit-elle, c’était une curiosité, je te le répète. Cela n’a pas d’importance et ne se renouvellera pas. »
    En parlant, elle avait dégagé ses bras de son corsage qu’elle rabattit avec sa chemise. Nue jusqu’au-dessous de la poitrine, la gorge divergente et drue reposant dans les dentelles, elle tendit tranquillement son dos ramagé d’ombres.
    « Tu me dégrafes, mon cœur ?
    — Écoute, Babet…
    — Écoute, toi-même, mon gros lapin. Si je veux entendre un sermon, j’irai à la cathédrale. »
    Elle se retourna, le prit par le cou, haussa vers lui ses claires rondeurs, l’enveloppant de son odeur poivrée.
    « J’ai eu tort, bien, j’ai eu tort, mon cœur. Tu l’as dit, je suis libre. Si tu ne veux plus de mes marchandises, je les remporte. Hein ! en veux-tu, beau sire ? N’en veux-tu plus ? »
    Cambrée contre lui, elle le provoquait, rieuse démone de chair blonde, aux yeux de chat.
    « Tu es le diable ! » soupira-t-il en la saisissant.

VII
    Pendant la fin mars et le début d’avril, Lise et Bernard se revirent assez régulièrement, le dimanche à Thias. Trois fois en tout. Claude, très occupé à mettre en ordre les affaires de ses clients, afin qu’ils ne souffrissent pas de son absence prochaine, restait au travail dans son cabinet. C’était Thérèse, avec sa voiture, qui amenait sa sœur. Par affection pour elle, elle se faisait – de mauvais gré, mais se faisait quand même – la protectrice des deux jeunes gens. Dans la mesure du possible, elle leur ménageait des tête-à-tête. Ils en avaient peu, néanmoins, et de brefs : il fallait éviter les ragots villageois qui fussent bientôt parvenus aux oreilles de M. Dupré. Du reste, la saison ne se prêtait guère à des rendez-vous en plein air. Les giboulées fouettaient la campagne fleurissante et reverdissante où seuls des châtaigniers gelés demeuraient noirs. Bernard, le second dimanche, se résolut à emprunter les clefs de la petite maison Montégut. Il dit franchement pourquoi à Léonarde. Il n’avait rien à lui dissimuler puisque, entre Lise et lui, tout resterait dans le domaine du sentiment le plus pur. Léonarde ne se montra pourtant point enthousiaste. Elle n’aimait guère le voir renouer des relations auxquelles le mariage de Lise aurait dû mettre un point final.
    « Cela n’amènera rien de bon, dit-elle en hochant la tête, il vaudrait beaucoup mieux ne pas t’embarquer là-dedans. »
    Elle ne voulut point cependant lui refuser ces clefs. Dès lors, on alla dans le clos. S’il survenait une averse, on se réfugiait dans la demeure. Fermée depuis l’automne, elle restait humide et froide.
    « Tu me feras attraper la mort, avec ton Bernard », pestait Thérèse.
    La présence ou la proximité de leur chaperon empêchait le jeune homme de demander à Lise les éclaircissements promis sur sa situation conjugale. Il ne voulait aborder ce point que seul à seule avec elle. Ils ne le restaient jamais assez longtemps pour une explication de ce genre. En fait, ils n’avaient aucun entretien, ni vraiment intime ni suivi. Aussi, à la fin de leur troisième rencontre, constata-t-il avec agacement qu’il lui faudrait attendre encore quinze jours avant de trouver, peut-être, une chance d’aborder la question. Ils ne pouvaient en effet, Lise et lui, se voir la semaine suivante : Mounier-Dupré et Louis Naurissane venaient ici faire leurs adieux à leurs beaux-parents. Quant à lui, Bernard, il devait dîner chez son père avec toute la famille. C’était la fête de Marcellin. Pourtant, ils se virent, mais dans des circonstances toutes particulières.
    Ce dimanche-là, chez M. Delmay, on attaquait à peine le rôt lorsqu’un gagier de la ville arriva, essoufflé, réclamant le maître de maison. Le maire requérait d’urgence ses échevins. Un tumulte venait de se produire dans le bas quartier. Des femmes avaient arrêté un chariot apparemment chargé de sel, en réalité de blé. À leurs cris, les conducteurs s’étaient enfuis. Le peuple avait crevé les sacs. Furieux, il voulait assaillir les couvents et les demeures particulières, pour s’approprier les stocks de grains que l’on y dissimulait, prétendait-il.
    « J’y vais » dit M. Delmay avec un juron.
    Il sortit

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