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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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vraiment pas vous marier ?
    — Vraiment pas. D’ailleurs, c’était une idée plutôt absurde. Je l’ai eue parce que Babet s’est montrée extrêmement bonne pour ma famille. »
    Il raconta comment elle les avait tous aidés pendant la maladie de Jean-Baptiste, et comment elle aurait pu devenir une excellente épouse pour un commerçant.
    « Seulement, poursuivit-il, elle n’a nulle envie de changer ses façons. Elle se prête, elle n’appartiendra jamais qu’à ses caprices. Fort honnêtement, elle a repoussé ma proposition.
    — C’est une très jolie fille. Très attirante, n’est-ce pas ? »
    Il ne le nia point.
    « Un petit peu vulgaire, peut-être, quoique des plus gentilles. Elle m’a coiffée, le jour…
    — Je sais », dit-il sèchement. Une poussée de colère lui fit ajouter ces mots : « C’est ce soir-là qu’elle s’est donnée à moi. »
    Lise baissa la tête. Ses yeux de la teinte des pervenches s’étaient voilés sous les cils blonds. Malheureux de sa brutalité, Bernard contemplait la jeune femme qu’il venait encore une fois de frapper malgré lui. Quelle fatalité y avait-il donc entre eux ? Pourtant, combien Lise l’attendrissait ! – toujours aussi délicate de traits et de couleurs, fraîche comme si elle n’eût rien perdu de sa pureté. Sa seule métamorphose tenait à sa chevelure. Elle ne se coiffait plus en jeune fille. Ses cheveux relevés laissaient voir dans toute sa perfection le contour de son visage, dans toute sa grâce son cou long et souple. Elle se redressa.
    « Vous l’aimez ? demanda-t-elle, la bouche tremblante.
    — Ce n’est pas le mot. Il n’existe point entre elle et moi de grand sentiment.
    — Mais encore ?
    — Ne pourrions-nous parler d’autre chose ?
    — J’ai besoin de savoir.
    — Eh bien, dit-il avec malaise, nous avons assurément beaucoup d’amitié l’un pour l’autre, beaucoup de complaisance. C’est là tout. On n’aime pas une fille pour laquelle on est seulement un compagnon de plaisir. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que Babet ne compte plus les galants, vous le savez certainement par votre sœur.
    — Oui. Néanmoins vous êtes attaché à elle.
    — Sans doute. Je lui dois d’avoir pu me reprendre à vivre après votre… votre choix. »
    De nouveau, Lise baissa les yeux et se réfugia dans le silence. Puis elle dit, très bas :
    « Sachez-le : Claude n’a pas été longtemps mon mari. Il ne le sera jamais plus que de nom. »
    Elle eut un bref sourire, arraché par la stupéfaction de Bernard.
    « Ce serait trop long à vous expliquer. Il s’est entièrement déconsidéré à mes yeux, voilà tout. Il n’existe plus pour moi, et il l’a très bien compris. Il n’a même pas tenté de reconquérir l’estime et l’espèce de vague amitié que j’ai eues, un moment, pour lui. Du reste, aucune intimité véritable ne s’est jamais formée entre nous. À présent, c’est à peine si nous vivons ensemble : je le vois à table, quelques minutes par jour, rien de plus.
    — Ce n’est pas concevable ! Il ne peut pas ne point vous aimer. Je ne comprends pas.
    — Non, il n’a jamais eu le moindre sentiment pour moi. Ah ! il faudrait vous dire trop de choses ! Je n’ai pas le temps. Je vous raconterai tout quand il vous plaira. Aujourd’hui, Thérèse m’attend dans le chemin. Je voulais vous demander…» Elle hésita. « Bernard consentirez-vous à me revoir ? »
    Anxieuse, elle attendait sa réponse.
    « Lise, dit-il lentement, j’aurais donné la moitié de ma vie pour passer l’autre avec vous. Désormais, à quoi bon des rencontres où nous avivons en nous le regret de ce qui ne peut plus être ? Vous avez vu, tout à l’heure, comme j’ai été brutal malgré moi, parce que, malgré vous, vos paroles m’ont fait mal. Ce que je vous ai dit de Babet vous a fait souffrir, vous aussi. Il en sera toujours de même : nous nous déchirerons. Pour quelle fin ?
    — Quelle fin ? Bernard, me trouver auprès de vous, vous parler, vous entendre, c’est une fin pour moi. Depuis le jour où je vous ai si stupidement perdu, voici mon premier instant de bonheur. Non, en vérité : le premier c’était rue des Taules, ce soir de neige. Ah ! si vous saviez quelle joie j’ai eue ! quelle provision de joie et d’espoir j’ai recueillie, ce soir-là ! Pourtant vous n’étiez pas tendre. Qu’importe ! Que m’importe que vous me fassiez mal ! Cette

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