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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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partit donc avec les deux beaux-frères. Préoccupés l’un et l’autre, ils se taisaient. La calèche, tirée par des trotteurs puissants, roulait à grandes guides. Bernard était pensif, lui aussi. Approchant pour la première fois en Mounier l’époux de Lise, il s’étonnait de n’en être point bouleversé. Il ne ressentait plus d’aigreur envers lui. Là, devant ce garçon plaisant, aux vertus sanctionnées par la faveur publique, on pouvait encore moins comprendre le mystère que les paroles prononcées par sa femme laissaient planer sur leur existence conjugale.
    Dans le même temps Bernard sentait la vitesse à laquelle il était souplement emporté. Il jouissait de ce luxe dont il faisait la découverte. En un instant, on eut dépassé le chemin des Courrières, on plongea dans la descente où les deux mecklembourgeois merveilleusement assortis s’allongèrent du même mouvement.
    « Vous voyez, Claude, remarqua tout à coup le maître de la Monnaie, le menu peuple a davantage besoin d’être tenu en main qu’éperonné, je vous l’avais bien dit.
    — Je vous avais bien dit, moi, mon cher Louis, que si l’on continuait à se moquer de ces gens, un jour ils feraient du vilain. Qui est-ce qui transporte du blé en le baptisant sel ? Ce n’est pas moi. Ni mes amis, j’en suis sûr. »
    La voiture prit, après la place des Carmes, le faubourg des Arènes, et, laissant Bernard sur la place d’Aine, non loin de chez son père, continua de descendre vers la rue du Temple où, errante, faute d’un hôtel de ville, la municipalité du « Château » siégeait dans une simple maison louée. Sur le passage de la calèche, tout était calme. Seul détail insolite, on ne voyait aucune famille en promenade. Les hommes présents avaient rejoint leurs compagnies, les femmes se renfermaient. Au bruit d’un équipage, leurs têtes apparaissaient aux fenêtres. Dans les rues, personne, ni sur le pas des portes devant les boutiques closes. Si l’émeute faisait se claquemurer d’aucuns, ou d’aucunes, elle avait dû en revanche, spectacle rare, attirer nombre de curieux. À la maison municipale, pas une âme. Seul, dans la cour, un chien noir et blanc dormait au soleil. Ordinairement, le dimanche, Limoges ne montrait guère d’animation. Aujourd’hui, quelle vacuité dans la ville silencieuse sous le ciel léger ! Claude et Louis descendirent encore. Au poste du guet, au coin de la rue Boucherie, près du collège, ils trouvèrent enfin quelqu’un : un factionnaire. Ils apprirent que l’effervescence se concentrait dans la Cité, tout en bas.
    En arrivant place de la Cathédrale, habituellement déserte, car il n’y avait autour que l’évêché et des couvents, ils aperçurent d’abord plusieurs voitures, dont celles du maire, de M. de Reilhac, de M gr  l’intendant, du colonel Peyroche du Rey-nou. Ils laissèrent la calèche parmi ces équipages, derrière quatre compagnies de la milice, en réserve, l’arme au pied. Des groupes plutôt placides : artisans, femmes de petite condition, hommes d’âge, prêtres même, discutaient là, avides de savoir ce qui se passait mais peu désireux de se risquer à y aller voir de trop près. Enfin, dans l’ombre, derrière la haute et sombre église, les ruelles dévalant vers la Vienne regorgeaient d’un peuple excité, que le guet et les bourgeois en uniforme empêchaient avec peine d’aller grossir le cœur de l’émeute, lequel battait à grand tumulte sur la placette triangulaire, devant le couvent des Dames de la Règle. Les soldats de la maréchaussée, collés au portail, le défendaient difficilement contre la poussée d’une troupe de femmes vociférantes. Il y avait peu d’hommes avec elles, tous de très mauvaise mine : la lie du port au bois. Quelques fers de lancis brillaient au soleil par-dessus les têtes. Pour l’instant, cette racaille ne s’engageait pas, malgré ses harpons et ses triques.
    « Voyons si je pourrai parler à ces gens », dit Claude.
    Laissant son beau-frère se joindre aux autorités, il entra carrément dans la presse, et, non sans dommages pour son habit bleu, réussit à se faufiler le long du mur jusqu’à une borne charretière. Juché là-dessus, il reconnut parmi les hommes, au premier rang, une figure familière. Il agita son chapeau.
    « Préat, hé l’ami ! cria-t-il de tout son gosier. La parole ! Votre député demande la parole. »
    À quoi le peintre sur porcelaine répondit

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