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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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souffrance est bonne. Près de vous je vis, comprenez donc. Je peux vous dire tout ce que je sens, ce que je pense. Je n’ouvre mon cœur à personne, pas même vraiment à ma sœur. Ah ! Bernard, ne voyez-vous point comme je suis heureuse ? Il faut simplement ne plus penser à ce qui aurait pu être, comme vous dites, mais à ce qui est, maintenant. »
    Ses yeux brillaient, très bleus. Ses pommettes avaient retrouvé leurs roses du printemps dernier. Sur ses lèvres, un sourire était prêt à éclore. Bernard se sentait, en la regardant, gagné par la contagion de cette joie si pure, si discrète. Toutes les sombres pensées cédaient en lui au retour de son admiration pour Lise, de sa dévotion pour une pureté dont le mariage et son avatar ne l’avaient point privée, décidément. Ne lui donnait-elle pas le meilleur d’elle-même, ce qu’elle seule pouvait donner, ce qu’il serait toujours le seul à recevoir d’elle ?
    « Oui, dit-il en souriant, vous avez raison, Lise. Sans m’en rendre compte, j’étais venu avec un sentiment égoïste. Le voici mort, je vous le jure. Vous êtes si charmante qu’en effet votre présence doit suffire à combler un cœur digne du vôtre. Très bien ! revoyons-nous, et nous trouverons notre bonheur à ne désirer rien de plus. »
    Après tout, songea-t-il quand elle l’eut quitté vite pour rejoindre Thérèse, le respect n’avait-il, dès l’abord, formé l’essence même de cet amour ?
    Rêvant là-dessus, au bord de l’étang où le printemps dernier l’avait vu pénétré d’une identique dévotion pour Lise, délivré de l’amertume, il se complaisait dans une mélancolie à présent tout heureuse.
    Il avait rendez-vous avec Babet, à quatre heures, pour danser au Tonneau du Naveix. Cela ne lui disait plus rien. Il regagna le faubourg. Personne de la famille n’était encore rentré. Il s’allongea sur son lit, rêva, prit un livre d’un certain abbé de Voisenon. Cet ouvrage, que Malinvaud lui avait prêté en le lui recommandant comme des plus spirituellement épicés, le choqua. Il le rejeta pour rechercher dans sa petite bibliothèque, faite de quelques planches et fermée par un rideau, l ’Histoire de Madame de Luz : vieux roman anonyme découvert chez un fripier. Bien des années plus tard, Bernard devait apprendre que l’auteur était Pinot Duclos. Dans les créatures de celui-ci, la vertueuse et malheureuse baronne de Luz, le jeune marquis de Saint-Géran, il trouvait des similitudes avec Lise et lui-même.
    Il ne revit point Babet jusqu’au lendemain soir où elle vint lancer de petits cailloux aux carreaux. Depuis l’hiver, il la recevait souvent dans sa chambre. Elle y restait parfois jusqu’au matin.
    « Eh bien, dit-elle, où es-tu passé, dimanche, pendant que je faisais le pied de grue, à l’auberge ? »
    Il s’excusa vaguement.
    « Tu n’as pas été en faute de cavaliers, j’en suis sûr. Ils m’ont remplacé avec avantage puisque tu n’es pas venue hier soir.
    — J’allais te courir après, peut-être ! Il n’aurait plus manqué que ça ! Écoute, Bernard, poursuivit-elle, je te trouve des façons singulières depuis une dizaine de jours. Si tu as quelque chose contre moi, dis-le.
    — Pourquoi pas ? »
    Et, se détournant afin de moucher la chandelle qui faisait vaciller leurs ombres sur le mur blanchi à la chaux :
    « Tu ne me dois rien, Babet, tu ne m’as rien promis, tu viens à moi quand ton caprice t’y pousse, je n’entends exercer sur toi nulle tyrannie.
    — Alors, alors ?
    — Mais il me déplaît énormément de partager tes faveurs avec cet affreux rousseau de clerc de procureur, au nez pointu, qui se nomme Frègebois.
    — Ah bah ! dit-elle étonnée.
    — N’as-tu point soupé avec lui, il y a exactement douze jours, aux Trois-Anges, dans le faubourg des Arènes ?
    — Bon. Eh bien, oui.
    — C’est loin d’ici, mais je l’ai su, tu vois.
    — Par Antoine Malinvaud, j’en jurerais. Quel saint Jean Bouche d’or !
    — Peu importe ! Et ne viens pas prétendre qu’après cela vous êtes rentrés innocemment chacun chez soi. Je le connais, ce rapiat : il n’a point dépensé pour rien le prix d’un souper. Je ne peux pas comprendre comment tu as consenti ! »
    Elle haussa les épaules.
    « Je suis curieuse, que veux-tu, mon ami. Tu le détestes à un tel point ! J’ai voulu voir s’il était si déplaisant.
    — Ça, par ma foi, c’est un comble !

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