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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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sensibilité, sa bonté, mais ajouta : « Sire, le peuple sur lequel vous régnez est un peuple martyr ; la vie ne semble lui avoir été laissée que pour le faire souffrir davantage. »
    Quoiqu’on fût dans une église, en présence du monarque, du Saint Sacrement exposé sur l’autel, des applaudissements retentirent, auxquels Montaudon joignit les siens.
    « Tu perds la tête ! protesta Claude en se penchant vers lui. Tu applaudis un imposteur, un charlatan ! C’est à nous seuls de dire avec exactitude ce dont souffre le peuple que nous sommes, et ce dont nous avons besoin. »
    Ils eurent dans la soirée, au café Amaury, une discussion là-dessus avec Louis Naurissane, M. de Reilhac, deux députés de Grenoble : l’un nommé Barnave, l’autre Mounier comme Claude lui-même, et le petit avocat d’Arras, qui s’appelait, en fait, Maximilien de Robespierre. Le père Gérard, ainsi que la plupart des Bretons, estimait fort le sermon audacieux prononcé par l’évêque de Nancy. « C’est un retentissant camouflet pour la Cour » disaient-ils tous. Ils parurent choqués lorsque Claude déclara qu’il fallait se défier des faux apôtres.
    « Je n’ai aucune confiance, expliqua-t-il, quand je vois des membres du haut clergé, ou des courtisans, se poser en défenseurs du tiers. Tant de sollicitude couvre un piège facile à déceler : ces messieurs se soucient brusquement de nous parce qu’ils ont enfin compris que nous sommes le nombre, la force, la source de tout pouvoir. Si l’on nous tend la main, c’est avec l’idée de nous mener en lisières. »
    M. de Reilhac, approuvé par les Bretons et par Louis Naurissane, considérait, lui, comme bienvenus tous les alliés, de quelque côté qu’ils se présentassent. Maximilien de Robespierre penchait lui aussi pour cette opinion. « Mais, dit-il avec la propension qu’il semblait avoir à poursuivre dans tout débat un raisonnement personnel, je souhaiterais que l’on proscrivît une fois pour toutes ce mot : le tiers. C’est un monument de l’ancienne servitude. Nous sommes les représentants des communes françaises. Voilà notre titre véritable, nous ne devons pas souffrir d’être nommés autrement. »
    « Curieux homme, dit Montaudon à Claude, plus tard, comme ils se déshabillaient pour se mettre au lit. Ce Robespierre me fait penser à un régent de collège. Tu ne trouves pas ? Il est pédant, maniaque, plein d’apprêt. Il tatillonne sur de petites choses. Nous n’irons pas loin avec des gens de ce calibre.
    — Bah ! il est trop tôt pour juger qui que ce soit, personne n’a eu l’occasion de se montrer. Nous ne savons même pas d’où nous allons partir. Peut-être l’apprendrons-nous demain, quoique – je ne me fais guère d’illusions – ce sera encore une journée perdue en formalités. Du moins le Roi parlera-t-il, nous connaîtrons enfin ses desseins. Je suis impatient de l’entendre. »
    La convocation distribuée par les bureaux portait : « De par le Roi, les députés des trois ordres sont avertis de se rendre à la salle des États à huit heures du matin, en passant par l’avenue de Paris et en entrant par la rue des Chantiers. » Là, une salle ajoutée à l’hôtel des Menus-Plaisirs avait abrité en 87 l’Assemblée des notables. C’était ce local que l’on aménageait depuis plusieurs semaines.
    Malgré l’heure matinale, la foule assiégeant la grande porte encombrait l’avenue de Paris. Claude et Montaudon, avec Robespierre, tous en costume de maîtres des requêtes, rejoignirent leurs collègues dans une espèce de vaste hangar qui débordait sur la rue des Chantiers. Il servait de vestibule à la salle des États. On s’y coudoyait en un surprenant mélange d’habits noirs, de plumes blanches et de brocart. Déjà le marquis de Dreux-Brézé, toujours sous ses panaches, constellé de pierreries, portant son court manteau tissu d’or, et tenant la baguette d’ébène à pommeau d’ivoire, insigne de ses fonctions, avait fait entreprendre l’appel par bailliages et sénéchaussées. Sur un balcon dominant l’entrée, un héraut d’armes en dalmatique à fleurs de lys lançait les noms. Un à un, les représentants du clergé, de la noblesse, enfin du tiers ordre, s’avançaient, montrant leurs lettres de mission aux aides des cérémonies qui les examinaient sommairement avec déférence, puis introduisaient les députés.
    Quand le tour de la sénéchaussée de

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