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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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manquât plusieurs délégations, outre celle de Paris. On comptait cinq cent quatre-vingt-quatre députés du tiers ordre, deux cent quatre-vingt-onze pour le clergé, deux cent quatre-vingt-dix pour la noblesse. Sur l’estrade, les sièges placés devant les tentures bleues se garnissaient de courtisans, de dames, tous en grand costume de la Cour. Les ministres se dirigeaient vers la table drapée de bleu fleurdelisé. Des applaudissements saluèrent au passage M. Necker. Et les députés continuèrent d’attendre. Ils s’étaient réunis par affinités quand il restait encore de la place. Ils parlaient entre eux : Claude avec le petit Robespierre, avec Mounier de Grenoble, Barnave qui inspiraient la sympathie ; ils avaient tous les deux accompli des choses importantes dans leur Dauphiné. Montaudon grognait en faisant sonner sa montre : « Midi bientôt. Passerons-nous céans tout le jour ? »
    À midi juste, retentirent des trompettes. Un cri annonça le Roi. L’assistance debout le vit paraître sur le fond de soie violette, au milieu des princes du sang. Il s’avança, coiffé d’un chapeau dont la ganse étincelait de diamants, le manteau royal aux épaules, le large ruban du Saint-Esprit, bleu clair, lui barrant la poitrine. Les princesses entraient au même instant, avec la Reine vêtue d’une robe mauve ouverte sur une jupe en satin blanc. Une aigrette piquée dans un petit bandeau de pierreries frémissait par-dessus ses cheveux.
    De loin, Claude la regardait en écoutant distraitement le discours royal. Dès les premières phrases, il avait compris que ce serait une allocution de pure forme, bienveillante et vague, comme il le prévoyait trop. On n’en avait pas fini avec les incompréhensions. Louis XVI déclarait attendre simplement « des avis » ; il les souhaitait « modérés ». Il mettait les députés en garde contre l’inquiétude générale, contre le désir exagéré d’innovation. Il avait, dit-il, réuni les États pour rétablir l’ordre dans le Trésor, et laissait entendre que leur rôle devait se limiter là. Quant au reste, il y pourvoirait lui-même en tenant compte des doléances exprimées dans les cahiers, car il était « le tuteur naturel et le premier ami de ses peuples ».
    Cette péroraison fut applaudie. Le ton paternel touchait, mais le discours lui-même avait déçu le public comme la plupart des représentants, Claude le sentit bien. Le Roi « n’y était pas du tout ». Même dans la noblesse – du moins la petite, ou dans la haute noblesse éclairée – on venait ici avec des intentions tout autres que de se borner à renflouer la caisse.
    À ce moment, un tollé s’éleva. Claude s’aperçut que le Roi, une fois assis, avait remis son chapeau. Le clergé, la noblesse dans une grande vague de plumes blanches, s’étant couverts eux aussi, le tiers les imitait. On en avait assez des humiliations. De là le tapage. Dreux-Brézé descendait aussi vite que le lui permettait sa dignité. Bonhomme, le Roi, feignant d’être incommodé par la chaleur, retira sa coiffure. Tout le monde aussitôt se découvrit.
    « Adroit, constata Robespierre, mais c’est habileté de faible. »
    Le garde des Sceaux, en simarre rouge, se levait pour expliquer, dit-il, les intentions de Sa Majesté. Dans un long discours embarrassé que l’on entendit mal, il les rendit, si possible, encore plus imprécises, ne définit rien, ne proposa rien. Claude voyait M. de Reilhac en personne hausser les épaules avec découragement, et Louis Naurissane chuchoter à l’oreille de Legrand des mots sans doute désabusés. Enfin, M. Necker – haut de taille, front puissant, visage lourd, l’air un peu compassé malgré la désinvolture de son simple habit de ville moucheté d’argent sur fond cannelle – se dressa, au banc des ministres. On espérait tout de lui. L’attention se réveilla vivement, pour se perdre bientôt dans une épuisante énumération de comptes. Au lieu d’un plan de réformes, des vastes projets que l’on attendait, le ministre se contentait d’évaluer le déficit – soixante-cinq millions –, d’énumérer les articles du budget, de parler primes, tabac râpé, anticipations, caisse d’escompte, régie, de lancer des chiffres, des chiffres, des chiffres. Cela n’en finissait pas. Lassé lui-même de sa propre lecture, semblait-il, il se fit remplacer par un commis. Personne n’écoutait plus. Claude entendait, sur sa droite,

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