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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Claude quitta l’hôtel du Renard avec Montaudon, dans leur sombre tenue, la troupe : gardes-françaises et gardes suisses, dégageait les rues, repoussant le populaire contre les murs et se rangeant en haie, l’arme au pied. Les deux Limougeauds rattrapèrent la délégation d’Arras conduite par le petit avocat si bien poudré. Ensemble tous les six, ils se dirigèrent vers Notre-Dame où les hommes en noir se rassemblaient sur le parvis. Claude et Montaudon retrouvèrent là M. de Reilhac et Louis Naurissane, fort encombrés du cierge que le maître des cérémonies, le sémillant marquis de Dreux-Brézé, plus empanaché qu’un corbillard, faisait distribuer à tous les députés.
    « Le trésor public est à court, dit Montaudon avec un haussement d’épaules, mais on gaspille des milliers de livres en vaines cires. Ah ! l’incurable inconséquence de ces gens-là ! »
    L’heure s’écoulait. On piétinait sur place, avec ce cierge incommode.
    « Si cela doit continuer, formons-en des faisceaux, comme font les soldats de leurs armes », proposa Louis, agacé.
    Enfin les carrosses de la Cour arrivèrent, suivis par les officiers de la Maison du Roi, tous, jusqu’aux fauconniers avec l’oiseau sur le poing. Le Roi, la Reine, les princes, les personnages de leur suite, mirent pied à terre. Les rangs se formèrent peu à peu. Des valets passaient, porteurs de mèches avec lesquelles ils allumaient les cierges dont la flamme se voyait à peine dans le soleil. Devant le portail de l’église, le clergé de Versailles en aube et surplis s’était massé. Prêtres et chantres entonnèrent le Veni Creator. Précédés par les musiciens de la chapelle royale, ils s’ébranlèrent. Toutes les cloches de la ville sonnaient. Les hommes en noir suivirent, immédiatement après les porteurs de bannières.
    Avançant à son rang, entre son beau-frère et Montaudon, Claude ne voyait pas le reste du cortège. Il apercevait seulement, par côté, la foule bigarrée derrière la ligne, ici bleu, rouge, blanc, des gardes-françaises, là rouge et blanc des gardes suisses, les fenêtres débordant de visages au-dessus des tapisseries, et un grouillement sur les toits. Il entendait à travers le tintamarre des cloches les acclamations dont on les saluait, eux les députés du peuple. Puis une clameur unanime monta, suivit la procession tout au long du trajet : « Vive le Roi ! » Comme on traversait la place d’Armes, des filles voyantes, venues vraisemblablement du Palais-Royal, et peut-être payées, lancèrent en chœur un « Vive Orléans ! » repris aussitôt par quelques bouches. Claude en souffrit pour la Reine. L’un des hommes qui la couvraient de boue, acclamé ainsi, approuvé ! Elle devait sentir atrocement l’insulte. Juste à ce moment, le cortège passait devant les grandes écuries. Sur le balcon, un jeune malade étendu, veillé par des femmes et des serviteurs, regardait. Le Dauphin, sans doute, qui souriait à son père, à sa mère. La pauvre ! Pour elle, quel noir mélange d’amertume et de douleur.
    Dans la cathédrale, où allait avoir lieu le salut du Saint Sacrement, Claude la vit de tout près, une seconde. Dreux-Brézé avait rangé le tiers ordre dans le bas de la nef. Louis XVI, rouge, suant, monta l’allée centrale pour gagner le chœur. La Reine vint avec sa suite. Sa grande robe passementée d’argent et d’or frôla Claude placé au bord de l’allée. Il en demeura très ému, contemplant avec un élan d’amour ce visage si fier dans l’encadrement de la chevelure vaporeuse qui bouffait sous une toque à panache d’autruche. Le teint était pâle, la nuque raidie. La souveraine blessée s’appuyait au bras d’une jolie femme blonde comme elle, à l’air très doux, probablement son amie la princesse de Lamballe.
    Tout entier à l’émoi qui se prolongeait en lui, dépassant la Reine et l’emportant lui-même loin d’ici à la suite de sa lettre, Claude ne prêtait point attention au sermon qu’un évêque, monté en chaire, entamait d’une voix solennelle. Néanmoins son esprit fut fixé peu à peu par l’insolite de ces paroles. Elles éveillèrent son ironie. Quoi ! fallait-il entendre un de ces princes de l’Église, profiteurs d’une fortune usurpée, dénoncer l’avidité des courtisans, la fiscalité écrasante, les manœuvres des spéculateurs. Un comble !… Le prélat rendit hommage au Roi, à son amour de la justice, à sa

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