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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Limoges arriva, après plus d’une heure et demie, et que Claude pénétra dans la salle, il fut saisi par la magnificence du spectacle. Il se trouvait dans une immense nef très lumineuse, riche en couleurs, en dorures. La clarté rayonnait d’une verrière, au centre du plafond fastueusement peint dont la retombée en demi-voûte reposait de part et d’autre sur deux colonnades aux fûts cannelés. Derrière elles, des pilastres également doriques divisaient les murs des bas-côtés en panneaux garnis de tapisseries et coupés, sous le plafond moins haut, par une galerie à balustres : une sorte de promenoir où, de chaque côté de la salle, un public compact ne laissait distinguer que les taches de ses visages, des chevelures, des clairs chapeaux féminins, criblant la pénombre. À l’extrémité du large vaisseau, sur une estrade qui en occupait tout le fond, des sièges, pour l’instant vides, s’étageaient sur trois rangs devant des tentures bleu roi, à fleurs de lys sombres. Entre ces draperies, le sanctuaire royal, encadré par deux colonnes, s’ouvrait comme une somptueuse alcôve tendue de soie violette fleurdelisée. Au milieu, sous un dais énorme dont les pentes en velours violet semé de lys d’or se rattachaient aux colonnes en plis opulents, le trône, élevé sur trois marches, dominait tout. À côté, inférieur d’un degré : le fauteuil disposé pour la Reine. Au bas de l’estrade : une longue table, drapée elle aussi de bleu clair à fleurs de lys bleu-noir. Et partout – sur les marches, sur l’estrade, au parquet de la salle – les luxueux tapis de la Savonnerie étalaient leurs ramages bleus, beiges, roses.
    Une assistance privilégiée, comprenant beaucoup de femmes, toutes très élégantes, commençait à remplir les tribunes établies entre les murs et les deux colonnades, derrière les banquettes réservées aux députés. Elles-mêmes continuaient de se peupler lentement. Celles du tiers occupaient le fond de la nef, face au trône.
    « Ma foi ! constata Montaudon, nous sommes bien les mieux placés.
    — Mais à l’étroit », dit Claude.
    Ils avaient six rangs de banquettes, comme chacun des deux autres ordres, et ils étaient deux fois plus nombreux. Ils formaient une masse uniforme de manteaux noirs, qui contrastait avec celle du clergé et celle des nobles, installées en vis-à-vis, la première à gauche de la salle, la seconde à droite, avec un large vide entre elles. Les dentelles des prélats, leurs robes pourpres ou violettes, répondaient aux dentelles, aux ors, aux plumes de la noblesse.
    « Il paraît, dit Montaudon toujours au courant des petites choses, il paraît que le dais cause des inquiétudes. Il a servi pour le sacre, à Reims. Ce baldaquin serait trop lourd pour la charpente qui le supporte, ici. Les gens des Menus ont la venette. Je n’aimerais pas être à la place du Roi. »
    L’heure tournait, les délégations entraient toujours une à une. Claude examinait Philippe d’Orléans qu’il s’était fait montrer la veille. Élu dans plusieurs bailliages et ayant choisi celui de Crépy-en-Valois pour ses idées avancées, il était assis avec les députés nobles, le plus près possible du tiers pour lequel il affichait toute sa sympathie. N’avait-il pas voulu, hier, dans le cortège, se glisser parmi les élus des communes, disait-on. Le Roi avait dû lui envoyer l’ordre de regagner son rang. Cousin de Louis XVI, il lui ressemblait vaguement, en moins gros. Vulgaire de traits, le teint rouge – une vraie trogne –, cet homme de quarante ans qui rivalisait de puissance avec son souverain, offrait le même air bonasse, la même apparence de mollesse, mais avec quelque chose de veule. La profonde honnêteté de Louis se sentait. Chez Philippe, c’était la profonde corruption. Ses vices célèbres imprégnaient toute sa personne. On concevait que la Reine le méprisât, et qu’il haït en elle la noblesse dont il était, lui, si dépourvu. À quels sots un pareil fantoche pouvait-il faire illusion ? Un jouisseur susceptible de tout et capable de rien, tel était-il assurément. On se servait de lui, sans doute. Toujours ce mystère irritant. Qui, on ? Oui, peut-être le cabinet de Saint James, le prince d’Angleterre dont Orléans était l’intime par affinité de débauchés. Peut-être, mais cela n’expliquait pas tout.
    L’appel était terminé à cette heure, toutes les banquettes occupées, encore qu’il

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