Lancelot du Lac
fois.
Baudemagu comprit vite que la bataille tournait au déshonneur de son fils. La pitié et l’amour paternel le poussèrent à demander l’indulgence de la reine. « Dame, dit-il, au nom de Dieu et des services que je t’ai rendus, je te supplie de mettre un terme à ce duel. – Va les séparer toi-même ! » répondit Guenièvre. Ce qui fut fait, malgré la mauvaise grâce de Méléagant. « Je tuerai Lancelot de mes propres mains avant qu’il quitte le pays ! » hurla-t-il à son père, qui le rabroua impitoyablement : « Dans ce cas, s’écria-t-il, tu ne posséderas pas un pouce de mon royaume, car un traître et un assassin ne sera pas mon héritier après ma mort ! » Furieux et déconfit, Méléagant quitta la ville en compagnie de quelques-uns de ses fidèles (46) .
9
La Revanche de Lancelot
Il tardait à Lancelot de retrouver Gauvain dont on n’avait toujours pas de nouvelles. Avait-il pu rejoindre le Pont sous l’Eau et avait-il réussi à le franchir ? C’est pourquoi il vint demander congé à la reine ainsi qu’au roi Baudemagu. Celui-ci fit savoir autour de lui et par toute sa terre que chacun devait à Lancelot les mêmes égards que pour sa propre personne. Et, le lendemain matin, Lancelot partit à la recherche de Gauvain en compagnie de quarante chevaliers en armes, des exilés ou des gens du pays. Il s’achemina d’abord vers le Pont sous l’Eau. Une lieue les en séparait encore, mais avant que le pont ne fût en vue, un nain juché sur un grand cheval accourut à leur rencontre. Il s’écria :
« Lequel d’entre vous est Lancelot du Lac ? – Ne le demande pas à un autre homme que moi ! lui répondit Lancelot. – Seigneur, dit le nain, mon seigneur Gauvain te salue et me charge d’un message pour toi seul. » Lancelot le prit à part. « Où se trouve Gauvain ? demanda-t-il. – Seigneur, Gauvain se trouve dans un lieu qui lui est très agréable et où il a tout ce qu’il désire. Il sait que tu es à sa recherche et voudrais que tu le rejoignes seul. Ainsi, toi et lui, vous pourrez ensemble vous présenter à la reine ! – Mais, dit Lancelot, que vais-je faire de tous ceux qui sont avec moi ? – Dis-leur de t’attendre. Nous n’en aurons pas pour longtemps. » Lancelot retourna vers ses compagnons et leur dit : « Attendez-moi ici, car je dois partir seul, et vous me rejoindrez dans un instant quand je vous enverrai un message. »
Lancelot s’éloigna et suivit le chemin que lui indiquait le nain. Ils entrèrent dans un petit bois qui n’avait pas quatre portées d’arc de longueur et ils parvinrent à une maison forte entourée d’un haut retranchement et d’un double fossé au pied des remparts. La porte étant ouverte, ils entrèrent dans une grande salle au rez-de-chaussée, jonchée de paille et d’herbe fraîche, et là, ils mirent pied à terre. Lancelot s’avança à grands pas, impatient de retrouver Gauvain, mais, arrivé au milieu de la salle, l’herbe lui manqua sous les pieds et il tomba dans une grande fosse de plus de deux toises de profondeur, sans se blesser toutefois, car on avait pris soin de placer au fond un gros coussin d’herbe pour qu’il ne se fît aucun mal.
Il comprit qu’il venait d’être victime d’une trahison, et que, sans nul doute, Méléagant en était l’instigateur. Se remettant sur ses pieds, il fit quelques pas à tâtons, mais ne trouva ni escalier ni rien qui lui permît de sortir du trou. Bientôt, d’ailleurs, surgirent au-dessus de lui vingt chevaliers en armes, et parmi eux, le sénéchal de Gorre, à qui appartenait la forteresse. « Seigneur, dit-il, s’adressant à Lancelot, considère que tu es pris et que toute résistance de ta part serait inutile. Rends-toi, et je te garantis que tu n’auras pas une mauvaise prison. – Pourquoi me capturez-vous ainsi ? demanda Lancelot. – Tu n’en sauras pas davantage, répondit le sénéchal. – Mais, insista Lancelot, pourquoi ne m’avoir pas pris les armes à la main ? Ton guet-apens aurait été moins ignominieux. La belle gloire que de s’emparer d’un homme qu’on a précipité dans un trou et qui n’a aucune chance de se défendre devant vingt hommes armés ! – Nous ne voulions ni blessure pour nous ni mise à mort pour toi. Rends-toi donc, si tu veux un jour sortir de ta prison ! »
Lancelot vit bien qu’il lui fallait obéir. Il tendit son épée, enleva son heaume et on le remonta. Alors, il s’écria :
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