Lancelot du Lac
probable que Méléagant lui a tendu un piège et qu’il se trouve emprisonné quelque part. Ainsi, quand Méléagant viendra à la cour pour combattre Lancelot, il pourra déclarer que son adversaire fait défaut, et il triomphera, ramenant la reine avec lui. – Cela m’étonnerait beaucoup, susurra Morgane. Lancelot a lui aussi une bonne raison d’être présent ce jour-là ! – Laquelle ? » demanda Arthur. Morgane eut un rire bref et strident pour toute réponse, et, sans ajouter un mot, elle sortit.
Pendant la détention de la reine Guenièvre par Méléagant, certaines dames et demoiselles à qui manquait le secours d’un époux s’étaient réunies pour tenir conseil, ayant toutes le désir de se marier sans tarder. Aussi avaient-elles décidé, lors de cette entrevue, d’organiser un grand tournoi où les jouteurs défendraient les couleurs de la dame qu’ils auraient choisie. La Dame de Pomelegoz pour l’un des camps, et la Dame des Noës pour l’autre camp, avaient pris l’affaire en main et il fut entendu que les belles garderaient le silence sur les mauvais jouteurs, et accorderaient leur amour aux meilleurs. Le tournoi aurait lieu à la cour du roi Arthur et on l’annoncerait dans les meilleurs délais non seulement dans le royaume, mais dans toutes les terres avoisinantes.
Les deux dames sur lesquelles toute l’organisation reposait s’en allèrent donc à la cour du roi pour lui demander d’accepter leur projet. Elles y arrivèrent quelques jours après le retour de la reine. Une fois devant Arthur, elles le harcelèrent pour qu’il acceptât. Il les écouta et dit qu’il consentait au projet bien volontiers si la reine donnait elle-même son accord. Aussi, virent-elles également la reine et lui expliquèrent-elles leur souhait, tout en lui demandant qu’elle fût présente à ce tournoi.
Comme ces conversations se déroulaient, arriva à la cour un brillant équipage qui demanda à être reçu par le roi. Il y avait là deux jeunes gens de fort bonne mine, montés sur des destriers remarquables, et vêtus de riches habits. Ils étaient conduits par une jeune fille d’une grande beauté montée sur une mule blanche. Le roi la reconnut bien, car c’était Saraïde, la confidente de la Dame du Lac, et il lui fit bon accueil. Saraïde lui dit : « Roi, ma Dame te salue et te recommande à Dieu. Elle m’a chargé de te présenter ces deux jeunes gens afin que tu les reçoives parmi tes familiers et que tu en fasses des chevaliers dignes d’honneur et de gloire. Ce sont des fils de roi, et ma Dame a beaucoup de respect et d’affection pour eux, car elle les a éduqués avec tout le soin qui était possible. L’aîné se nomme Lionel, et le cadet Bohort. Ce sont les fils du roi Bohort de Gaunes qui fut ton homme lige et qui, comme son frère le roi Ban de Bénoïc, a péri par suite de l’agression de l’odieux Claudas de la Terre Déserte. » Arthur, se souvenant des reproches que lui avait adressés l’ermite Nascien qui l’avait accusé de n’avoir pas secouru les rois Ban et Bohort, se leva aussitôt et alla à la rencontre des jeunes gens, leur tendit les bras et les assura qu’il les tenait, comme leur cousin Lancelot, dignes au plus haut point d’être ses compagnons. Lionel et Bohort saluèrent respectueusement le roi, et la reine, émue à la pensée qu’ils étaient les cousins de celui qu’elle aimait avec tant de violence, ressentit son absence avec encore plus de tristesse.
Arthur ordonna qu’on s’occupât des fils du roi Bohort, puis il conversa un moment avec Saraïde, n’oubliant pas de lui demander si la Dame du Lac n’avait pas reçu quelque nouvelle de Lancelot. Saraïde lui répondit qu’elle ignorait absolument ce qu’il avait pu advenir du fils du roi Ban ; mais, dès que le roi eut pris congé pour vaquer à d’autres occupations, elle prit à part la reine Guenièvre et lui dit discrètement, de façon à n’être entendue de personne d’autre : « Reine, si tu veux revoir Lancelot, sois présente au tournoi que ces dames ont le projet d’organiser. J’ai l’impression qu’il ne pourra pas résister au désir d’y participer, surtout quand il apprendra que tu y seras en personne. » Et sans ajouter un mot, elle laissa Guenièvre avec la Dame de Pomelegoz et la Dame des Noës. « Quand donc voulez-vous que ce tournoi ait lieu ? leur demanda la reine. – Dans trois mois, répondirent-elles. Il nous faut le temps de
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