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Lancelot du Lac

Lancelot du Lac

Titel: Lancelot du Lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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Lointaines, l’appela « Cœur sans frein ». Mais Lionel refoula ses larmes. Il se contenta de repousser durement la table, à tel point qu’il la renversa. Il courut alors jusqu’au plus haut de la tour où il s’assit sur le rebord d’une fenêtre.
    Au bout d’un moment Pharien vint le rejoindre. « Qu’y a-t-il, mon enfant ? dit-il doucement. Reviens continuer le souper, ou du moins fais semblant pour ne pas contrarier ton frère qui n’oserait pas manger sans ta présence. – Maître, répondit Lionel, je suis l’aîné des fils du roi Bohort. Je suis ton seigneur et celui de mon frère Bohort, et aussi de ton neveu Lambègue. Je vous commande à tous d’aller manger. Quant à moi, je ne toucherai plus ni pain ni vin avant d’avoir accompli le projet que j’ai formé et que je ne peux révéler. – Au nom de Dieu, dit Pharien, je quitterai donc ton service puisque tu me caches ta pensée. C’est donc que tu n’as pas confiance en moi ! » Pharien se remit à pleurer, mais Lionel, qui l’aimait tendrement, se mit à verser des larmes abondantes. Il finit par dire : « Mon maître, ne nous laisse pas, je t’en prie. Je vais te révéler ce que j’ai dessein d’accomplir : demain, je ferai mander au roi Claudas de venir nous voir, et alors, je me vengerai de lui. – Comment te vengeras-tu de lui ? – Je le tuerai ! répondit Lionel d’une voix ferme. – Mais, reprit Pharien, que feras-tu quand tu l’auras tué ? – Je sais bien que tous ceux de ce pays me protégeront et feront tout ce qui est en leur pouvoir. Je sais aussi que Dieu approuvera mon action. Et si je meurs pour faire valoir mon droit, la mort sera bienvenue, car mieux vaut mourir avec honneur que de vivre ainsi sous le joug d’un tyran ! »
    Pharien admirait fort le courage et la détermination de Lionel, mais il voyait bien que le garçon se laissait emporter par la colère et le désespoir. « Mon enfant, lui dit-il, je t’approuve pleinement, mais crois-tu qu’on puisse entreprendre une telle chose à la légère ? Attends que Dieu t’ait donné plus de force que tu n’en as aujourd’hui. Quand le moment sera venu, tu vengeras ton père et ton honneur, et je t’y aiderai de tout mon pouvoir, car sache bien que je n’aimerais pas mon propre fils plus que toi ! » Il l’exhorta ainsi longuement, et Lionel finit par promettre d’attendre le moment favorable pour passer à l’action. « Mais, ajouta-t-il, je ne jure plus de rien si je suis en présence de Claudas ! »
    Le lendemain était le jour de la Madeleine et, chaque année, le roi Claudas avait coutume d’y tenir sa cour. Il se trouvait assis à la haute table de la grande salle du palais, entouré de tous ses barons, à côté de son neveu Dorin, un beau et fier jeune homme qu’il venait d’armer chevalier. C’est alors que Saraïde pénétra dans la salle, tenant deux lévriers par leurs chaînes qui étaient d’argent. Elle s’avança droit vers le roi et lui adressa la parole d’une voix si forte qu’elle fut entendue de tous : « Roi Claudas, je suis ici pour te transmettre un message de la part de ma dame, la meilleure dame du monde que l’on nomme la Dame du Lac ! Jusqu’à ce jour, elle t’a respecté plus qu’aucun autre homme au monde, mais elle a entendu dire sur toi certaines choses qui font craindre que tu n’aies point seulement la moitié du bon sens et de la courtoisie que l’on attendait de toi ! – Jeune fille, sois la bienvenue en cette cour, répondit Claudas en souriant, et que Dieu protège et honore ta Dame. Mais peut-être lui avait-on dit plus de bien sur moi que je ne le méritais. Apprends-moi cependant le mal dont je me rends coupable, selon elle et selon toi ! – Je vais te le dire, reprit Saraïde. N’est-il pas vrai que tu retiens en prison les deux fils du roi Bohort de Gaunes ? Ils ne sont pourtant coupables d’aucune félonie, et tu devrais savoir qu’on ne s’attaque pas impunément à des enfants, surtout lorsqu’ils sont orphelins et qu’ils ont besoin de douceur et de tendresse. Franchement, il n’a guère de bonté celui qui se montre envieux ou méchant envers des enfants ! Et sache bien qu’il n’est pas un homme sous le ciel qui, apprenant que tu traites ainsi les fils du roi Bohort, ne soit persuadé que tu as le projet de les faire mourir pour te débarrasser d’eux. C’est en tout cas ce qui se murmure par tout le pays. Écoute, roi Claudas : si tu étais

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