L'Anneau d'Atlantide
l’intention de revenir demain et d’entreprendre…
— Rien du tout ! fit-il en souriant. Je ne reviendrai jamais… Je vous demanderai à tous les deux d’oublier que nous sommes venus ici… sauf évidemment pour M me de Sommières. Mais rassurez-vous, je vous raconterai…
— Et… à M. Lassalle aussi ? s’inquiéta-t-elle d’un ton soupçonneux qui le fit rire.
— À lui moins qu’à tout autre ! Il deviendrait fou !
Après le dîner, ce soir-là, on se réunit dans le petit salon de Tante Amélie pour entendre le récit d’Adalbert. Son talent oratoire joint à l’émotion qu’il avait ressentie en fit un moment de pure beauté. Il omit seulement de dire que Salima avait été le portrait vivant de la belle endormie. Ce détail-là, il le réservait aux seules oreilles d’Aldo pour ne pas attrister Marie-Angéline.
— Magnifique ! applaudit la marquise quand il eut fini. J’ai retrouvé en vous écoutant mes rêves de petite fille quand ma mère me lisait un conte de fées ! Mais il est dommage que vous n’ayez pu déchiffrer l’écriture de cette fabuleuse époque. Ainsi, vous ne savez toujours pas son nom ?
— Hélas, non ! Elle est et restera la Reine Inconnue. Et je pense sincèrement que c’est aussi bien ainsi… Au fait, Marie-Angéline, je voudrais vous demander de me montrer les dessins que vous avez réalisés depuis votre arrivée… Cela ne vous ennuie pas ?
— Non, naturellement !
Elle alla les chercher. Croquis à la sanguine, dessins et aquarelles. Il y en avait une collection, représentant le temple de Khnoum, les tombeaux des princes, le vieux monastère Saint-Siméon mais aussi des portraits d’Hakim et d’autres gamins. L’un, frappant, du Veilleur, et aussi plusieurs dessins de la falaise enfermant le tombeau. Adalbert les examina longuement, ne sachant trop comment dire à l’artiste qu’il souhaitait les détruire et qu’il le regrettait car il y avait là énormément de talent…
Comme le silence se prolongeait, Aldo ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais Marie-Angéline le retint du geste. Puis reprenant tranquillement les aquarelles à Adalbert, elle les déchira :
— C’est bien cela que vous souhaitiez, n’est-ce pas ?
Trop touché pour répondre, il la prit aux épaules et l’embrassa…
Quand les deux hommes sortirent pour leur habituelle promenade nocturne, minuit venait de sonner à l’horloge du palais gouvernemental. Ils étaient fatigués par leur expédition mais éprouvaient le besoin d’être seuls ensemble. Cette fois, ils descendirent jusqu’au fleuve et prirent la Corniche quasi déserte à cette heure… Sauf deux fiacres qui sans doute allaient remiser.
Ils fumèrent un moment en silence, goûtant la paix intérieure et surtout l’entente absolue qui les avait désertés ces derniers temps. La nuit semée d’étoiles innombrables était belle et douce, en pleine harmonie avec leurs âmes. Ce fut quand la Corniche fut devenue route qu’Aldo s’aperçut qu’ils étaient déjà loin :
— Tu comptes m’emmener comme ça jusqu’à Kom Ombo ?
— Non, mais j’ai quelque chose à te dire. Ce soir, quand j’ai décrit le tombeau, j’ai omis, volontairement, un… détail d’une extrême importance pour moi : la ressemblance hallucinante de la Reine avec…
— … Salima Hayoun ?
— Comment as-tu deviné ?
Aldo jeta sa cigarette et glissa son bras sous celui de son ami :
— Je te connais par cœur, tu sais ? Plus, je crois bien, que si nous étions frères de sang. En remontant du tombeau, cet après-midi, ton visage exprimait une telle béatitude que la joie de la découverte n’expliquait pas tout. Et certainement pas la description que tu as donnée de la belle endormie : une beauté systématiquement à l’opposé de la réalité. C’est le portrait de Néfertari que tu as tracé. Tu n’as pas osé la faire blonde mais c’est tout juste !
— Autrement dit, je n’ai trompé personne ?
— Oh si, parce que c’était franchement très réussi et je pense que nos dames ont tout avalé. Quoique, avec Tante Amélie, on ne sait jamais. Mais en ce qui concerne Plan-Crépin, tes paroles ont valeur d’évangile. Elle nage dans la joie depuis que tu as dit que tu ne reviendrais plus au tombeau et nous as priés de garder le secret. Comme tu vois, ton but est
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