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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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modifiait les données. L’écheveau d’intrigues autour d’un meurtre mystérieux, d’une corruption financière dans laquelle était impliqué un ordre religieux, l’existence d’une entreprise de fausse monnaie, battue en plein Paris, enfin la menace de publications scandaleuses, tout concourait à justifier le recours à l’homme des secrets et de la raison d’État. Et par-dessus tout, à l’origine de la saisine de Nicolas,l’ombre de la reine ajoutait encore à la gravité de la situation.
    Nicolas constatait à chaque nouvelle rencontre que le visage de son ancien chef s’adoucissait, empreint d’une aménité nouvelle. D’autres soucis moins prégnants remplaçaient ceux d’antan, du moins étaient-ils d’un autre ordre. Le quotidien ne s’imposait plus dans cette apparente retraite, avec cette terrible oppression des regards et des paroles d’autrui. Seul, pouvait encore compter le sentiment du roi, mais le reste – la cour, la ville, le peuple, les adversaires, les pamphlets, les libelles et les placards – ne pesait plus. Le commissaire, habile à traverser le secret des âmes, avait décelé autre chose dans cette nouvelle attitude. Longtemps Sartine avait nourri l’espérance de jouer un grand rôle. À la mort du feu roi, il avait laissé échapper sa chance, ne s’imposant pas d’autorité au souverain en tant que principal ministre. Le poste perdu au profit de Maurepas, il avait cru, espoir inversé, que l’éloignement du roi à l’égard de Choiseul se dissiperait et que, cette acrimonie se tempérant, le vieil homme d’État serait rappelé. Sartine avait attendu en vain ce retournement de la conjoncture au profit du grand protecteur. Désormais il semblait en avoir pris son parti. Au reste, le roi l’écoutait et le comblait de bienfaits. Il se contentait d’un rôle secret mais capital, auquel il dévouait les restes d’une volonté intacte et les cendres d’une ambition apaisée.
     
    Introduit à l’heure prescrite dans le bureau du lieutenant général de police, il saisit au vol un regard à la fois accablé et impuissant que lui jeta Le Noir. Il entrevit ensuite Sartine qui contemplait,tête levée, le ciel brumeux et livide. Le commissaire toussa.
    — Ah ! dit Sartine se retournant d’une pirouette, comment vous portez-vous, mon ami ?
    Il s’ensuivit l’une de ces parades de cour bâties de phrases convenues et de politesses réciproques.
    — Allons, foin de compliments, ne saluez-vous pas le comte de Vergennes qui nous fait l’honneur d’assister à notre réunion ?
    Nicolas se retourna et découvrit le ministre des Affaires étrangères, la mine haute et soucieuse, assis, raide, dans un fauteuil devant le bureau de Le Noir, sérieux et attentif.
    — Monseigneur, je suis votre serviteur, dit Nicolas s’approchant.
    — Monsieur le marquis, je vous salue et suis heureux de pouvoir, une fois de plus, compter sur votre dévouement au service de Sa Majesté.
    Nicolas, qui ne l’avait croisé que de loin depuis les péripéties du tsarévitch Paul, le trouva changé. Des rumeurs agitaient et la cour et la ville sur sa santé. Il portait sur son visage les stigmates des fatigues éprouvées. Les années de guerre l’avaient usé et les préliminaires de paix ne laissaient pas d’éroder une machine exténuée par une longue carrière et une suite de postes et de missions difficiles dans de rudes climats. Son teint brouillé, les poches sous les yeux et les rides approfondies témoignaient éloquemment de l’état du ministre. Nicolas ajouta à ce verdict le commentaire que lui inspirait la présence de Vergennes. Elle promettait en effet. Qu’accablé par la paix à venir, il ait consenti à se déplacer à l’hôtel de police en disait long dans l’échelle des priorités sur l’importance portée à cette espèce de conseil de guerre que tout semblait présager.
    Le protocole courtois se prolongeait dans ses méandres obligés quand le ministre y mit un terme d’un raclement de gorge impatient.
    — Messieurs, messieurs. Il me tarde de faire retour à Versailles. Commençons. Monsieur de Sartine, nous vous écoutons d’une oreille attentive.
    C’était bien toujours autour de Sartine que s’organisaient les choses. L’ancien ministre avait quitté les affaires, elles ne le quittaient pas. Il aurait pu supposer que c’était à lui, le commissaire en charge de l’enquête, d’ouvrir le débat. Ou alors… Ou alors une nouvelle

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