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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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impressions se mêler et, de ce désordre, attendre la clarté de la compréhension. Il songea à ces fromages de chèvre qu’on faisait dans les fermes de Ranreuil et à la masse de la pâte que la présure coagulait et qui égouttait sur le caillebot . De même, le temps offrirait à l’enquête la possibilité de faire le tri entre l’incertain et l’avéré. Il éclata de rire à l’idée du chemin tortueux qu’empruntait sa réflexion.
    Il décida de gagner la maison Bourdeille.

    La maquerelle l’accueillit avec cet air trouble et cafard qu’empruntaient les femmes de son espèce devant un policier. Elle essaya tout d’abord de déceler si le commissaire enquêtait vraiment ou si elle devait s’attendre à une tentative pour lui soutirer quelques subsides en contrepartie d’une protection et d’indulgences renouvelées à chaque versement. Rassurée sur ce point, elle s’ouvrit en sincérité et répondit aux questions de Nicolas. Oui, elle connaissait bien M. Decroix, qu’elle appelait monsieur Pierre . C’était une pratique comme elle en aurait souhaité d’autres. Aimable, généreux, ayant toujours le mot pour rire et particulièrement apprécié de ses filles, à qui il apportait de petits présents. Oui, il venait régulièrement, une fois par semaine, le dimanche, et réservait d’une semaine à l’autre la petite Émeline, une brunette piquante à souhait. Oui, il avait paru le dimanche précédent à son heure habituelle et, la chose faite, avait musardé, en buvant comme de coutume quelques liqueurs. Il avait quitté la maison vers onze heures passées et avait fait demander un fiacre. Pour plus de sûreté, elle lui montra son registre sur lequel, jour après jour, elle notait, d’une écriture malhabile, les clients d’une débauche bon enfant. Pourtant, Nicolas remarqua qu’elle le tenait avec quelque retard, les derniers jours n’étaient pas informés.
     
    L’âme de Nicolas demeurait paisible. Il souhaitait faire retraite quelques heures avant le rendez-vous avec Sartine. Il aimait un lieu en particulier et s’y fit conduire. C’était dans la partie haute du Jardin du roi, le monticule surmonté d’un kiosque à belvédère de fer, au couronnement pyramidal. Unesphère dominait le tout dans laquelle était suspendu un globe terrestre qui servait de marteau pour annoncer midi. Il aimait à l’heure précise voir le mécanisme mis en branle par le contrepoids libéré grâce à la rupture d’un fil de crin consumé par les rayons d’une loupe inclinée aux diverses hauteurs du soleil. Nicolas fut cependant déçu. L’astre était présent, on distinguait à l’œil nu son orbe rougeâtre voilé par un brouillard diffus qui baignait la ville d’une aura sanglante. Aucun rayon n’atteignit la lentille et midi ne fut point sonné. Il erra ensuite dans le jardin, s’émerveillant à chaque pas que les terres les plus lointaines fussent représentées sur la scène parisienne par toutes les plantes acclimatées. Il admira surtout un cèdre du Liban d’une grandeur prodigieuse et, dans l’une des serres chaudes, des cierges du Pérou qui venaient de fleurir. Il s’extasia devant les formes si diverses qu’offrait la nature. Il comprit le goût du roi, si attentif à tout ce que l’exploration et la navigation apportaient et qui, dans la prison de son cabinet, visitait le monde à travers les récits, les rapports et l’étude des cartes.
    Il envoya sa voiture l’attendre à l’hôtel de police et décida de suivre la rivière jusqu’au Pont-Royal. Il fut frappé de la teinte sinistre de la Seine, d’un gris marbré de brun. Que présageait donc la persistance de ce désordre du climat ? Nicolas médita ce que Semacgus lui avait appris. La raison seule devait-elle gouverner le sentiment que ce phénomène inspirait ? Il restait qu’au tréfonds de son être, de vieilles croyances de sa province resurgissaient et ce qu’elles lui susurraient, sans qu’il en eût conscience, ajoutait encore au malaise qui peu à peu s’imposait à lui.

IX
    REMEMBER
    « Un ancien écrivait sur la cendre le nombre de ses projets. Il soufflait, il n’en restait plus aucune trace. »
    Confucius
    Nicolas craignait et espérait à la fois cette rencontre avec Sartine. Que l’ancien ministre fût appelé à la rescousse, ou qu’il s’imposât, signifiait que l’affaire – ou devait-on dire les affaires ? – revêtait un autre aspect et que son développement en

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