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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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conserver un mouchoir.
    Le roi sourit, un peu moqueur.
    — Je n’y ai rien entendu. Nul doute que l’allusion vous parlera davantage qu’à moi.
    Il tendit sa main qu’incliné Nicolas baisa avant de se retirer à reculons.
    — Vous ne déméritez pas de vos aïeux, monsieur le marquis. Vous êtes un bon soldat.
    Il ne pouvait lui faire plus beau compliment ni qui le touchât plus profondément. Le cœur lui battit jusqu’à la sortie du château où, dans sa voiture, il prit connaissance des lettres remises par le roi. Ses mains tremblaient lorsqu’il ouvrit celle d’Antoinette.
    Mon cher Nicolas,
    Le temps me semble toujours aussi long et je souffre de l’éloignement de ceux qui me sont chers. L’issue de la guerre conduit à un ralentissement des objets qui nous intéressent. Ma vie est tranquille, partagée entre des travaux ouverts qui me permettent de traverser ceux qui le sont moins… J’ai cependant trouvé le loisir de faire quelques achats dans Londres. J’avais jadis du goût pour le beau linge, j’ai choisi un fin mouchoir de batiste sur lequel d’émotion, j’ai imprimé mes lèvres. Vous n’étiez pas conscient de cette inclination-là.
    Antoinette
    L’émotion le saisit. Ce mouchoir imprégné de parfum inoubliable, il l’avait découvert et il savait désormais que son délire, son rêve, découlait d’une rencontre bien réelle avec la Satin. Il ouvrit le pli de son ami missionnaire. L’état de la lettre, mouillée, jaunie et moisie par endroits, témoignait du chemin parcouru par ce petit carré de papier. Ilreconnut avec un serrement de cœur les grands jambages de l’écriture de son ami.
    Mon cher ami,
    Par-delà les mers, voici un moment pour vous témoigner ma fidèle amitié. Les événements expliquent mon long silence sans le justifier. La menace des pirates Tay-Son continue à peser sur le royaume dont le roi, Gia-Long, est mon ami. Pour la troisième fois l’an dernier, ses ennemis se sont présentés devant Saigon. Le vent et la marée poussaient leurs navires sur la rivière. Les brûlots précipités sur eux se sont retournés contre la flotte de l’empereur et l’ont anéantie. Ce fut une déroute. Gia-Long et une centaine d’hommes ont trouvé refuge dans la province de Mytho. Après de multiples aventures, le prince m’a appelé alors que je me trouvais au Siam à Chubun. La résistance s’est organisée dans le territoire occupé par les pirates, en vain. Le roi a décidé alors de demander refuge auprès du roi de Siam.
    Dans mes conversations avec Gia-Long, il apparaît que son vœu le plus ardent est de solliciter l’assistance du roi de France. Pour donner plus de force à cette requête, j’ai proposé que le prince m’autorise à emmener avec moi jusqu’en France son fils le prince Canh. Il nous faut soutenir ce prince qui a le mandat du ciel ; il a échappé vingt fois à ses ennemis dans des circonstances miraculeuses dans lesquelles je ne peux que déceler l’intervention de la sainte Providence pour celui qui protège ici les chrétiens.
    Peut-être que s’approche enfin le moment où je pourrai vous serrer dans mes bras. En attendant cemoment, je vous adresse, avec mon amitié, ma très fraternelle bénédiction.
    Pierre, Évêque d’Adran †
    Que l’amour et l’amitié se rassemblassent ainsi pour lui donner tant de signes remplissait Nicolas d’une nostalgique douceur. La pensée d’Aimée s’imposa à lui sans qu’il parvînt à considérer comme contradictoires les sentiments qu’il éprouvait pour Antoinette. Il décida de faire le détour par l’Hôtel d’Arranet pour la conduire au souper offert le soir même par M. de Noblecourt. Il n’y trouva que Tribord. Mademoiselle était à Montreuil chez Madame Élisabeth, d’où elle gagnerait la rue Montmartre.
    La réflexion de Nicolas se porta à nouveau sur l’entretien avec le roi. Tout avait été abordé dans l’allusif et le sous-entendu. Il mesurait la difficulté d’atteindre avec certitude la volonté du souverain, le fond de sa pensée. Le feu roi avait le jugement sain, mais s’en remettait, hélas, à ceux qui parlaient haut, estimant trop mal son propre bon sens et ses capacités. Louis XVI détenait cette même qualité de discerner le bien et le meilleur, cependant, quelle que fût sa certitude ou son raisonnement, il les conservait par-devers lui, renonçant à trancher et, en fin de compte, à imposer. Il n’avait pu recueillir aucun commentaire,

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