L'année du volcan

piétinement et la frappe des sabots d’un cheval. Rien ne donne pour le moment à suspecter toute autre main criminelle. La victime semble s’être rendue aux écuries à pied. Au passage, cela relance la question des mules prétendument retrouvées par Diego Burgos et le pourquoi de nous les avoir présentées. Il me reste à vous soumettre une autre énigme. J’ai recueilli en grande quantité de minuscules fragments de papier dont l’origine m’est inconnue. L’un d’entre vous aurait-il une idée de leur provenance ? J’envisageais de les examiner avec une lentille grossissante.
    — Nous disposons de bien mieux ! s’écria Sanson.
    Sanson se dirigea vers un placard qui, ouvert, offrait une collection complète d’instruments utiles à son office. Parmi eux il sortit un étrange appareil. Intrigués, ses amis découvrirent un tube gravé d’arabesques monté sur un socle de bronze.
    — Voici ce qu’on nomme microscope. Ce sont des verres d’optique enchâssés dans un tube de telle sorte que cette espèce de lunette permet de découvrir les corps les plus petits en les grossissant extraordinairement. Ainsi une puce placée devant vous apparaît comme un monstre. Les débris qu’a recueillis monsieur Nicolas, je les vais examiner.
    Sanson disposa l’appareil sur une table de décharge, demanda au commissaire de lui confier les fragments de papiers ramassés sur le sol du box de Bucéphale. Il les plaça sous l’extrémité du tube de la lunette et appliqua son œil à l’autre extrémité en manipulant une petite roue dentelée qui faisait coulisser dans une enveloppe plus large, le tout permettant la vision la plus approchée, comme l’expliqua Sanson. Il y eut un silence, puis l’opérateur récupérales fragments de papier qu’il déposa dans une coupelle de terre cuite.
    — Qu’avez-vous découvert ? s’enquit Nicolas.
    — Du papier et quelques petits dépôts noirâtres. Nous allons vérifier si ce que je suppose est exact.
    — C’est-à-dire ?
    Sanson mit un doigt devant ses lèvres. Il prit une petite brindille qu’il enflamma à un brasero et approcha de la coupelle. À peine la flamme avait-elle touché les fragments que ceux-ci produisirent comme une infime explosion et prirent feu brusquement.
    — Par quelle diablerie ? s’exclama Bourdeau.
    — Ma foi, je crois comprendre, dit Semacgus. De la poudre à canon.
    — Vous voyez juste, mon cher confrère. Ces fragments sont ceux d’un ou de pétards : des papiers pliés et solidement liés garnis dans chacun de leurs plis du produit que le docteur Semacgus vient d’évoquer.
    — Heureusement, dit Nicolas en riant, que je n’ai pas tout confié à Sanson. Sinon vous auriez perdu toute trace d’une preuve complète qui selon moi confirme qu’il y a eu intention de meurtre contre le vicomte de Trabard.
    — Tu veux dire, demanda Bourdeau incrédule, que ce pétard est cause de la mort de Trabard ?
    — Ce pétard ou ces pétards ont été jetés volontairement dans le box de l’étalon alors que s’y trouvait la victime. L’explosion qui s’est ensuivie a affolé le cheval qui, pris de panique dans un espace d’autant plus restreint que la porte était maintenue close, a frappé et piétiné son maître.
    — En assassin innocent, dit Semacgus. Il sera malaisé de retrouver la main criminelle. Le procédé est des plus tortueux.
    — Où achète-t-on ces pétards ?
    — Les galopins des rues s’en réjouissent tout au long de l’année et c’est essentiellement chez les marchands merciers qu’on les vend. Tu connais le dicton : Merciers, marchands de tout, faiseurs de rien .
    — Alors, en ondes concentriques nous enverrons nos gens écumer les marchands merciers autour de la rue d’Enfer.
    — Qui, comment, pourquoi ? Les habituelles questions.
     
    Et encore, songeait Nicolas, je ne peux tout dire car seul Bourdeau sait la raison de notre présence rue d’Enfer. Il était soudain frappé par le fait que si la reine ne l’avait pas appelé, le crime serait sans nul doute passé inaperçu et aurait été mis au compte d’un malheureux accident. Dans ces conditions, l’intervention inhabituelle de Marie-Antoinette se révélait utile et bénéfique. Restait à découvrir pourquoi tant d’insistance pour le jeter dans cette enquête. Que souhaitait-elle éviter ce faisant ? Pourquoi le roi devait-il être mis à l’écart de cette affaire ? Que voulait-on lui dissimuler ? Il y