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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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avait apparence que la reine à bout de recours avait pensé au cavalier de Compiègne comme à la seule planche de salut à laquelle elle pouvait dans ces circonstances difficiles et périlleuses se raccrocher et encore et toujours se confier.
    — Que comptes-tu faire, maintenant ? demanda Bourdeau à Nicolas alors qu’ils remontaient au bureau de permanence.
    — Rien. Laissons croire à chacun que la thèse de l’accident est retenue par le Magistrat 4 . Il y a plus d’apparence d’action dans l’immobilité que de vérité dans la précipitation. Et comme le dit le poète :
    On rendrait son esprit tout morne et rebouché
    Qui le tiendrait toujours au labeur attaché :
    Il faut épier l’heure, attendre qu’à la porte
    Frappe le Délien 5 qui la matière apporte…
    — Le Délien ? dit Bourdeau éberlué. Hé, je ne le connais point ce gueux-là !
    — C’est un insulaire qui inspire ! Fions-nous à lui.
    Et sous le regard perplexe de l’inspecteur, Nicolas esquissa un entrechat et quitta le Châtelet pour la rue Montmartre. L’écho rapporta longtemps son grand rire.

III
    PIÈCE DÉCHIRÉE
    « Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville, en s’y prenant bien. »
    Beaumarchais
    Rue Montmartre, la première chose qui frappa Nicolas fut la présence d’un équipage dans lequel il reconnut le carrosse timbré du duc de Richelieu. Son premier mouvement fut pourtant de vérifier que Sémillante avait été ramenée au logis par le garçon d’écurie de l’hôtel de police. Elle l’accueillit par un joyeux hennissement. Il lui flatta le chanfrein. Elle tendit l’encolure et se mit à le sentir, d’évidence intriguée par l’odeur de l’étalon qui imprégnait le pourpoint de son maître. Pluton surgit et appuya ses pattes sur Nicolas qui, enveloppé par l’affectiondu cheval et du chien, éprouva un moment de bonheur et d’oubli.
    Dans l’office, Marion et Catherine devisaient tandis que Poitevin s’acharnait à faire briller une chocolatière d’argent.
    — Te voilà ! s’écria Catherine qui lui apparut excédée. Il fa l’énerver, le fieux bouc. A-t-on idée de fenir si tard, au risque de lui gâter la digestion ? Rien que son odeur vous lèfe le cœur : il fleure le fauve comme un lièfre faisandé de huit jours !
    — Allons, allons, gronda Nicolas qui s’étranglait de rire. Cesse de gloser ainsi sur un duc et pair, l’un des quarante de l’Académie. Surtout venant de toi…
    — Et bourquoi donc ?
    — Pour la seule raison que tu tympanises un maréchal de France, toi simple cantinière. Aurais-tu par hasard oublié le respect et la discipline ?
    — Yo, yo, grand flandrin, je suis blus sous les armes et tu ne m’embêcheras boint de dire ce que je bense.
    Marion pleurait de rire et Poitevin avait dû s’asseoir et se tenait les côtes. Décidément tout était à la joie à l’hôtel de Noblecourt. Il monta à l’étage vers l’appartement du maître de maison par un escalier tout assaisonné d’une persistante odeur de musc. Sur le palier, il entendit la voix glapissante du maréchal qui semblait animé d’une rare véhémence.
    — Noblecourt, mon ami, c’est ainsi que l’on me traite ! Des bélîtres m’accusent d’avoir fait édifier le pavillon de Hanovre sur le boulevard, en soldant le coût par je ne sais quelle malversation. Allons donc, cent mille écus que m’a dépensés l’architecte, tout cela était-il si tant au-dessus de ma fortune qu’onpût tenir de si mauvais propos ? On dénonce de la maraude de guerre. Parlons-en ! On ne serrait pas de si près le maréchal de Villars ! Le vieux bougre ne lésinait pourtant pas sur la rapine en campagne ! Ah, foutre non !
    Le duc sentit sans doute le regard de Nicolas, il se retourna, toujours vif en dépit de l’âge.
    — Tiens ! Le petit Ranreuil.
    Nicolas s’inclina.
    — Je vous salue, monsieur le maréchal.
    — Je vous le rends, je vous le rends. Venez vous asseoir, vous ne serez pas de trop.
    D’un coup d’œil le commissaire envisagea les éléments de la situation. Noblecourt, tassé dans son fauteuil, tenait un fin mouchoir devant son nez. Mouchette, sans doute apeurée par le ton du duc, s’était réfugiée dans la robe d’indienne du magistrat, seul le bout de son oreille pointait, accusant sa présence. Le maréchal portait un habit bleu sombre

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