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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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regarder, pour la reine elle-même. Il attendit, soucieux de respecter l’étiquette, qu’elle lui adressât la parole.
    — Eh bien, monsieur, vous ai-je fait appeler ? La mémoire me manque-t-elle ?
    Le reproche était si évident qu’il ne put feindre de ne pas l’avoir entendu.
    — Sa Majesté a bien voulu me confier une mission à laquelle je me suis aussitôt consacré. Elle serait à même de me reprocher de ne pas la tenir informée de ce que j’ai découvert. Les graves résultats de mes investigations justifient l’audace qui s’est imposée de troubler son repos.
    — Je ne vous en veux pas, dit-elle sur un ton radouci. Mais y avait-il urgence ?
    — Dois-je rappeler à Votre Majesté qu’elle m’a ordonné de lui faire aussitôt rapport, à elle seule ?
    Elle sourit tristement.
    — Et je constate que cela vous autorise à me déranger et à m’assassiner de vos reproches.
    — C’est une audace, Madame, qui ne m’a pas effleuré, mais pour parler d’assassinat, c’est bien de cela qu’il s’agit pour le malheureux vicomte de Trabard. Premier point de mon rapport.
    Il lui sembla que la reine s’appuyait des deux mains contre le meuble même si son visage ne reflétait aucune émotion particulière.
    — Assassin !… C’est bien cela…
    La seconde partie de la remarque de la reine ne lui était sûrement pas destinée tant elle fut prononcée dans un murmure.
    — … Et comment, monsieur ?
    — Un stratagème a déclenché la fureur d’un étalon. Il a été piétiné. C’est vous dire, Madame, l’importance que j’attache à ce que vous me révéliez la personne qui vous a informée. J’ose une nouvellefois interroger la reine, dussé-je subir sa colère. Et ce point est d’autant plus capital que le vicomte de Trabard, Votre Majesté ne peut l’ignorer, n’apparaît pas comme digne d’appartenir à son cercle le plus étroit.
    — Qu’est-ce à dire, monsieur le donneur de leçons ?…
    Elle avait quitté son encoignure et arpentait le grand cabinet, le teint animé. Les effluves de son parfum flottaient dans l’air.
    — … Quelle mouche vous pique d’oser porter un jugement sur mes proches ? Quels autres faits que les rumeurs recueillies par une basse police vous autorisent à ternir la réputation de quelqu’un admis en ma présence ? Ne sentez-vous pas la peine que cette perte et ses conditions suscitent en moi ? Qui êtes-vous pour vous arroger un tel droit ?
    Nicolas, blême, s’inclina.
    — Votre Majesté me donne son congé. Je l’assure de mon dévouement.
    Et, conformément à l’étiquette, il se retira à reculons.
    La reine émit un petit rire aigrelet et s’assit.
    — Allons, allons, est-il mauvaise tête, ce cavalier de Compiègne  ! Au moindre écart, il vide les étriers et nous abandonne. Revenez, monsieur, la reine a tort de s’irriter. Que ferait-elle sans vous ? Vous avez raison. Bien, soyons bons amis et causons.
    — Comme il plaira à Sa Majesté, je suis son serviteur.
    Nicolas demeurait sur ses gardes. Ces coups de caveçon que l’altier caractère de la reine favorisait, il en avait par le passé éprouvé bien d’autres. Mais qui était-il face à la fille des Césars, à la mère du futur roi, soudain renvoyé à son insignifiance ? Lamenace pesant sur Louis le ramenait aussi à sa propre bâtardise. Il mesurait avec amertume la rapidité extrême avec laquelle un destin pouvait chavirer et une vie se dévoyer.
    Il s’enferma dans un silence qu’il savait par expérience se révéler plus éloquent qu’un discours. La reine, les yeux fermés, caressait les accoudoirs de son fauteuil.
    — Je ne sais comment vous conter la chose, monsieur le marquis. Je n’ai point votre talent qui, dit-on, avait charmé le roi, mon grand-père. Ma mère avait, elle aussi, gardé le souvenir d’une audience qu’elle vous avait accordée à Vienne.
    Qu’elle parle et s’étourdisse de son discours, cet encens de boudoir ! se dit Nicolas. Il ne s’en laisserait pas griser, tendu de l’attente de ce qu’il allait apprendre
    — Considérez combien ma position est délicate. À qui me fier ? Chaque regard me transperce. Il n’est pas un de mes gestes qui ne soit observé, remarqué, commenté et la plupart du temps critiqué. Je pensais que mes enfants seraient mon rempart. Il n’en est rien. J’ai peu de distractions. Trianon et le Hameau sont mes refuges. J’aime la comédie. Me sait-on en privé sur les

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