Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
planches qu’on s’empresse de me reprocher ce goût. On le prétend incompatible avec la majesté du trône. Pour peu que je me travestisse en soubrette, la chose fait scandale et aussitôt les légendes les plus malveillantes se multiplient et tout est en rumeur. Et pour brocher le tout, ceux qui sont admis auprès de moi sont jalousés par ceux qui ne le sont pas.
    Elle s’étourdissait de paroles sans pour autant en venir à l’essentiel. Nicolas prit sur lui de relancer le propos.
    — Madame, je supplie Votre Majesté de m’éclairer et de me dire sans détour le souci qui, je le vois et en suis au désespoir, l’agite.
    Il pressentait que la reine était touchée de plein fouet par l’affaire Trabard et que ses hésitations à parler tenaient à un orgueil qui la taraudait et faisait obstacle à la nécessaire sincérité. Il s’interrogea. Quelle vision un souverain peut-il avoir des autres ? En permanence séparé du reste de la société, il ne rencontre que courtisans courbés et flatteurs et, non amariné à un débat sincère et aux aléas de la vie quotidienne, il demeure, immuable, l’étalon unique d’un modèle qui n’existe pas.
    — Jouez-vous, monsieur le marquis ?
    Nous y voilà ! songea Nicolas. Le jeu ! Cette aristocratique distraction que le roi réprouvait, ne se prêtant, pour prendre contenance devant la cour, qu’au tric-trac et aux petits écus.
    — Ayant dans mon office à poursuivre les jeux clandestins, je connais leurs règles, mais ne m’y suis jamais adonné.
    Elle pinça les lèvres ; d’évidence la réponse ne lui convenait guère. Elle partageait cette fâcheuse passion avec son beau-frère, le comte d’Artois. Tous deux jouaient des montants si considérables qu’ils étaient contraints d’admettre à la cour des gens tarés pour trouver à faire leur partie. Ainsi des étrangers étaient-ils admis dans le salon de jeu de la reine, autorisés à prier une des dames titrées, placées au lansquenet ou au pharaon, de jouer sur leurs cartes l’or à foison ou les billets d’effarantes valeurs qu’ils leur présentaient.
    — J’ai perdu une somme considérable… Six cent louis d’or… J’ai voulu doubler ma chance et j’ai multiplié mes pertes.
    Elle hésitait à poursuivre.
    — J’invite instamment Votre Majesté à me confier la suite.
    — La somme n’étant pas disponible dans ma cassette, j’ai dû demander une avance à M. Lefèvre d’Ormesson, notre nouveau contrôleur général, si peu habitué…
    Et si jeune et si honnête que dès sa prise de fonctions une cabale s’était formée contre lui, le traitant de  blanc bec, d’homme qui ne sait rien, n’a rien vu, qui n’a pas même l’idée des immenses fonctions qu’on vient de lui confier et ne possède ni l’expérience ni des hommes ni de la cour et va nécessairement être dupe de tous les pièges qu’on lui tendra . Et celui-là, venant de la reine était de taille.
    — … à comprendre et à régler ces petites questions de routine.
    De routine ! En parlait-elle à son aise ! Mesurait-elle même ce qu’on pouvait faire avec six cent louis ? Était-ce tolérable au moment où l’État s’évertuait à remettre en ordre les finances du royaume que grevait lourdement le coût considérable de l’appui apporté aux Insurgents américains ?
    — … Il m’a refusé cette avance. J’ai donc eu recours à ma petite société…
    Celle du Trianon, les Polignac, Vaudreuil, Besenval et les autres. Auraient-ils eu l’audace de refuser d’aider la reine ?
    — … Ils se sont concertés pour trouver une solution. Le vicomte de Trabard leur a proposé un moyen infaillible. Ils m’ont assuré que c’était une question de peu de jours. Et puis on m’a appris… Et je me trouve tout aussi démunie…
    Enfin la vérité ! La vision était par trop générale pour qu’il lui facilitât la tâche. La reine devait luioffrir plus de détails. Ne pas la presser, aller dans le sens de son propos, l’y entraîner et à la fin revenir à l’essentiel.
    — Madame, il faut vous en remettre à la bonté du roi, votre époux. Nul doute que Sa Majesté réglera la dette sur sa cassette.
    Elle eut une moue incrédule qui en disait long sur sa pensée.
    — Le roi m’avait fait promettre de modérer ma passion pour le jeu. Le moment est mal choisi. Il a manifesté une terrible colère à l’annonce, à l’automne dernier, de la banqueroute de son cousin, le prince

Weitere Kostenlose Bücher