L'année du volcan
reine, j’attendais qu’elle me l’avouât. Quant à vous, veillez sur elle. Je vous le demande.
Le roi lui lança une bourrade et repartit à grands pas vers la chasse du jour.
Nicolas rejoignit sa voiture. Devait-il chercher M. de Vaudreuil ? La reine, il en était assuré, le préviendrait. Le mieux était de ne point donner l’éveil, on pourrait tabler sur son inattention. Dans le cercle de Trianon, sur qui pouvait-il appuyer ses recherches ? Une précédente affaire lui avait fait approcher le comte de Besenval. Affable et ouvert, il avait aidé sans réticence à la manifestation de la vérité. Disposant d’une fortune importante, il ne profitait pas de sa position. La rumeur rapportait qu’il avait naguère souhaité entrer en galanterie avec la reine, avances qui avaient été fermement repoussées, mais qui ne l’avaient pas écarté du cercle en question. Il demeurait dévoué à la reine et serait sans doute heureux d’aider le commissaire, et marquis de Ranreuil, à la protéger. Une totale sincérité serait de mise. Nicolas prit la décision de lui faire visite en son hôtel rue de Grenelle.
Il fit le point. Il avait peu obtenu de la reine. La venue du roi lui avait permis de régler une situation dont souffrait sa loyauté. Ce qu’il avait appris simplifiait-il le tableau ? Il tenta de résumer les éléments en sa possession. La reine, ayant joué et perdu une grosse somme d’argent, avait cherché les moyens de régler sa dette. Pour déplaisante et, à certains égards, scandaleuse que fût cette situation, elle avait connu de nombreux précédents. Demandée à la petite bande de Trianon, une solution avaitété recherchée et apparemment trouvée par le vicomte de Trabard. Restait que celui-ci avait été assassiné et qu’on pouvait le soupçonner d’avoir détenu de compromettants papiers. Quel lien y avait-il entre ce meurtre et la dette de la reine ? Qui était le mystérieux visiteur du soir en carrosse de cour, vu à l’Hôtel de Trabard ? Quels soupçons légitimes pouvaient-ils peser sur les habitants de la rue d’Enfer ? L’un d’eux avait-il un lien avec le cercle de la reine ? Il eut un soupir. Enfin, qui menaçait de dévoiler le secret de la naissance de Louis et sur quelle indiscrétion ce chantage avait-il pu s’appuyer ?
Un équipage doubla son fiacre ; il reconnut les armoiries du lieutenant général de police. Peste ! Le Noir n’avait pas perdu son temps, lui évitant ainsi le risque de se trouver en porte à faux avec le roi ! À la sortie du château , il éprouva la curieuse impression qu’en ce milieu de la journée le jour déclinait. Il baissa la glace et se pencha à la portière. Une bouffée d’air brûlant le flagella. Les rayons du soleil, comme tamisés, semblaient impuissants à traverser la brume grisâtre qui submergeait tout. Une lumière voilée rampait sur le sol. Le temps avait changé depuis le solstice. Partout des orages destructeurs éclataient, d’une violence inhabituelle. Thierry, premier valet de chambre du roi, avait été le premier à lui signaler le phénomène. Il est vrai que près de chez lui, à Ville-d’Avray, la foudre avait labouré un champ entier. Autour de Paris, les victimes ne se comptaient plus. À Vanvres, un paysan avait été trouvé presque totalement carbonisé. À Sainte-Geneviève-des-Bois, la foudre avait frappé quatorze fois, faisant quatre morts et dix blessés. Le phénomène s’était renouvelé à Neuilly, Suresnes, Longjumeau et Popincourt. Que signifiait cette colère du ciel ? Que se passait-il donc ? Il revit Noblecourt jouant les Cassandre. Jadis cette fureur des éléments eût constitué un sinistre présage. Il s’interrogea sur le sens de l’angoisse qui soudain le tenaillait.
IV
LE GRAND COPHTE
« Un de ces êtres qui se font passer pour adeptes, se mêlent de médecine, d’alchimie, merveilleux en tout et qui, après avoir ruiné les sots, finissent leurs exploits par le carcan. »
Besenval
Au Grand Châtelet, un Bourdeau déçu l’accueillit. Il avait hanté sans succès tous les marchands merciers des alentours. Aucun ne conservait le souvenir récent d’un acheteur de pétards.
— Ils affirment tous que la dernière flambée d’achat a été le jour de la Saint-Jean, quand le peuple se presse place de Grève pour y admirer le monumental bûcher que tu sais et danser autour. Hors cela, seuls quelques gamins qui prolongent la fête… J’en ai
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