Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
âme le rugueux et le glacé de la pierre ? Que faisait-il là ? La femme en noir s’était arrêtée et lentement se retournait. Elle releva son voile et le visage de la camarde apparut. Un hurlement strident le tira soudain du cauchemar. Mouchette, les griffes plantées dans la poitrine de son maître, le poil hérissé, les oreilles aplaties, miaulait sur un ton aigu et désespéré. Que signifiait ce rêve qui reliait le mystère de sa naissance à la mort en habit de carmélite ? Pour quel funèbre carnaval ? Pour quelle prise de voile diabolique ? Était-ce là un avertissement que lui lançait Madame Louise du fond de son couvent de Saint-Denis ? Ou encore la manifestation de la mystérieuse et bénéfique puissance qui veillait sur lesRanreuil, père et fils ? Tout ce qui subsistait en lui de la vieille Bretagne reparaissait avec le souvenir des récits de sa nourrice. Fine, la conteuse, comme on la nommait avec un rien de respect craintif quand elle passait, pressée, dans les ruelles de la vieille cité. Il l’entendait encore lui réciter par cœur, en breton, comme une mélopée, le Dialog etre Arzur ha Guyngloff , ces entretiens légendaires entre le roi Arthur et Gwinglaff, magicien et devineur d’avenir.
    Il se reprit, calma d’une tendre caresse Mouchette encore grondante et tenta d’élucider le sens de son rêve. Des précédents lui avaient découvert combien ces songes pouvaient recéler d’avertissements. La part la moins rationnelle de son esprit l’y engageait. À qui s’en ouvrir qui ne le moquât point ? Et pourtant ! Ce siècle de lumières ne dédaignait pas de s’en remettre à un escroc alchimiste après s’être abandonné à un magnétiseur bonimenteur. Il renonça à chercher la signification de cette apparition et, apaisé, s’endormit.
    Mercredi 16 juillet 1783
    Un corps tiède et chaud se serrait contre lui. Une bouche mordilla son oreille. Il se retourna ; le sommeil était chose étrange, faisant succéder aux cauchemars les rêves les plus doux. Il embrassa une forme qui ranima ses plus ardents souvenirs. Une bouffée de jasmin monta jusqu’à ses narines, ajoutant encore à sa soudaine excitation. La forme gémit et se colla à lui. Tout cela n’était que trop réel. Il voulut ouvrir la bouche, elle fut close d’un baiser. Remettant à plus tard le moment des explications, Nicolas étreignit Aimée d’Arranet, visiteuse de l’aube.
     
    Ce fut Catherine chargée d’un grand plateau qui les réveilla, l’œil frisant d’un amusement contenu.
    — Alors mes bigeons, je vous ai concocté un betit chocolat à la cannelle, amélioré d’une jetée de schnaps. Cela fous réfeillera. Enfin, si le besoin s’en fait sentir !
    Elle pouffa.
    — Et de bonnes brioches pour édancher le liquide. Si vous m’aviez prévenue, je vous aurais brébaré un bon kouglof.
    Elle posa le tout sur une commode et se retira en ployant sa grosse taille dans une esquisse de révérence du plus comique effet.
    — Alors, madame, vous surgissez dans mes rêves.
    — Plaignez-vous ! J’espère y régner toujours.
    Elle lui frappa la joue de deux doigts qu’il saisit et baisa.
    — Loin de moi l’idée de vous en chasser ! Vous avez dissipé d’autres images peu plaisantes.
    — Je me suis envolée dès la princesse couchée, espérant que vous seriez au logis. Feu follet que je n’arrive pas à fixer…
    Elle s’était à nouveau lovée contre lui. Elle caressait une mèche de Nicolas qui commençait à blanchir. Nicolas consultait sa vieille montre à répétition et poussa un cri en découvrant que la matinée était déjà si avancée.
    — Qu’avez-vous, mon ami ?
    — J’ai que Vénus l’emporte sur Mercure et que Bourdeau doit m’attendre au Châtelet !
    Elle fit la moue, se cambra, impudique dans son étirement.
    — Voyez comme vous êtes. Je vous surprends au petit matin et au lieu de me consacrer… Enfin, vous m’abandonnez déjà.
    — On voit bien, madame, que vous n’êtes pas de quartier aujourd’hui et que le temps vous compte pour peu !
    — Point, mon ami, vous avez tout faux. Madame Élisabeth m’attend cet après-midi à Montreuil. Il y aura cueillette de cerises en noble compagnie dans ses vergers…
    — C’est dire l’importance de votre charge, dit Nicolas la bouche sur sa poitrine. Des cerises, en voilà, de celles que je préfère.
    Ils basculèrent sur le lit et la pauvre Mouchette, effrayée du tintamarre et des

Weitere Kostenlose Bücher