L'année du volcan
soupirs d’Aimée, s’enfuit en crachant, pressée de retrouver l’office, lieu protégé où toutes sortes de gâteries lui étaient promises et dispensées.
Midi sonnait à la tour Saint-Jacques quand Nicolas surgit dans le bureau de permanence où un Bourdeau bougon l’attendait.
— Es-tu passé sous une gouttière, pour dégouliner de la sorte ? Il ne pleut pas pourtant.
— C’est que j’étais pressé et que j’ai usé de la pompe de la cour de la rue Montmartre pour chasser de la nuit, une nuit agitée…
— Il semble en effet qu’une nymphe soit passée par là. Oh ! Ne prends pas cet air innocent, il ne te dévoile que trop bien. Seul cela ou un coup sur la tête, chez toi, justifie un retard ! Bref, reste que nos affaires ne souffrent pas de délai. J’ai une piste. Un des moineaux que j’avais interrogés, appâté par le millet…
Il frottait deux doigts l’un contre l’autre.
— … est venu me trouver.
— Et ?
— Et m’a indiqué qu’un autre oison pourrait bien être celui-là même commissionné pour porter le poulet en question à M. Le Noir, mais également…
— Et quoi ? Tu me fais languir.
— C’est vengeance de ma part de m’avoir fait tant attendre. Il aurait également acquis un grand nombre de pétards pour le même commanditaire, collection dont il aurait conservé une part pour ses réjouissances personnelles. Et, tiens-toi bien, j’ai une adresse ou du moins un lieu approché, comme toujours.
— Et alors ?
— Le repaire se trouverait chez un marchand de ferraille, cour du Dragon. L’oiseau répondrait au doux nom de Mange-rat.
— Curieux surnom !
— Va savoir ! Que faisons-nous ? Quelles sont tes intentions ?
— Une chose me surprend. D’ordinaire les crieurs de vieux fers qui achètent les carrosses, chaises, calèches, cabriolets et autres voitures hors d’usage, les dépècent et en revendent les parties de métal au détail. Ils vont par les rues, un sac sur le dos, criant ferraille à vendre. N’étalent-ils pas leur marchandise le long du parapet du quai de la Mégisserie ?
— Qu’on appelle couramment quai de la Ferraille.
— Alors je m’interroge sur ceux de ta cour ?
— C’est sans doute l’aristocratie de la profession. Et puis il faut bien mettre son fonds à l’abri.
— Bon. Cela restreint la recherche. Reste que la cour est grande, et s’il m’en souvient bien compte pour le moins une vingtaine de maisons. M’est avis que l’arrivée de deux pendards comme nous, en noir et tricorne, va affoler la volaille qui se dispersera.
— Je te vois venir ! Y aurait-il mascarade à chienlit à venir ?
— Tu vois juste. Nous allons avoir recours à notre petit cabinet de transformations. Je te conseille une vieille barbe et un bandeau de borgne. Pour moi, perruque filasse et lunettes bleues. Nous serons censés rechercher de vieilles lames de ressort, du moins c’est ce que nous avancerons.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Les deux policiers mirent l’habit bas et revêtirent les tenues les plus repoussantes de leur collection, dont la majeure partie était fournie par les clients de la basse-geôle. Outre une saleté générale, ils répandaient une odeur infecte qui ajoutait encore à la véracité des apparences. Un pot de terre et de poussière leur servit de boîte à maquillage, sans oublier les ongles des mains parfaitement couronnés de crasse. Il ne fallait négliger aucun détail qui eût permis de les démasquer. Bourdeau en rajouta, en utilisant une bourre d’épaule, ayant appartenu à un faux mendiant, qui le transforma en un bossu très convaincant. Ils s’entreregardèrent et éclatèrent de rire en découvrant ces individus caricaturaux qui leur permettraient de passer inaperçus au sein des bas-fonds de la ville, mais surtout d’empêcher qu’on devine à quelle redoutable autorité ils appartenaient.
Une voiture les mena par le Pont-au-Change, les rues Saint-André-des-Arcs, de Bussy, du Four, à proximité de leur destination. Là, ils l’abandonnèrent, souhaitant ne pas attirer l’attention et continuèrent à pied, tournèrent à main droite dans la rue de l’Égout pour trouver, un peu avant la rue Saint-Benoît, la cour du Dragon. Une porte cochère monumentale y donnait accès, surmontée d’un porcheorné de deux croisées superposées, la plus élevée possédait un balcon dont le support figurait un dragon sculpté. Deux énormes bornes
Weitere Kostenlose Bücher