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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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petit cousin.
    — Y a pas danger, c’est du solide ! Tu vois, Yves, tu peux lui parler. Il est comme nous et nous comprend.
     
    Nicolas, ému de cette rencontre, gagna la rue de la Tixanderie. Le temps faisait son œuvre, seul vrai adversaire contre lequel nulle esquive n’était possible. Cette pensée le tarauda. Il réfléchit que le temps était multiple, que ses durées, quoique parallèles, ne se dévidaient pas à la même vitesse. Il eût été plus aisé de marcher au même pas, de n’avoir ni avance ni retard. Cela aurait évité de souffrir de cette décadence. À l’entrée de la rue Vieille-du-Temple, il se reprit, se traita de sot, mesura l’inanité de son raisonnement et écarta cette méditation de morfondu.
    Le ciel disparaissait sous une sorte de brouillard rougeâtre qui voilait le soleil de cette fin d’après-midi et peu à peu s’assombrissait. Le sol paraissait ébranlé des grondements sourds d’un tonnerre lointain, accompagné de furtifs éclairs. Les remugles habituels de la ville avaient laissé la place à une autre puanteur qui oppressait la respiration du commissaire. Nicolas songea à ce qui était advenu en Bourgogne quelques jours auparavant, nouvelles dont lui avait fait part Noblecourt en lisant sa gazette . La terre avait tremblé et cette commotion, disait-on, s’était doublée d’un bruit sourd, semblable à celui d’un chariot roulant avec rapidité sur le pavé. L’effroi avait été plus considérable que le dommage. Seules quelques cheminées avaient chu et des plafonds s’étaient lézardés. Certains rapprochaient ces faits du désastre qui avait bouleversé au début de l’année la Calabre et la Sicile. Les descriptions parvenues à Paris montraient des fleuves rétrogradant vers leurs sources, des montagnes s’abaissant en vallées et des vallées en montagnes. Des secousses à la fois horizontales, concentriques, excentriques et perpendiculaires avaient mis à bas Messine, Casal et Huovo, et cela si rapidement qu’aucun habitant n’en avait réchappé. En Islande, une île nouvelle avait surgi au milieu de la mer. Nicolas réfléchissait qu’après ces événements, des brouillards étranges, comme celui qu’il était en train d’observer, s’étaient répandus sur le royaume, produisant orages et grêles. Des physiciens instruits affirmaient que ces phénomènes n’avaient aucun rapport avec des événements survenus dans des pays éloignés où les volcans formaient un péril coutumier dont la France était heureusement préservée.
     
    Cette réflexion le mena par les rues Thorigny, de la Perle et Saint-Gervais jusqu’à sa destination. Il découvrit aisément l’hôtel du mage à la mode. Sous l’orage sec qui développait ses menaces, la demeure, située à l’angle du boulevard, c’est-à-dire le long du rempart de la ville, offrait une image sinistre. Il y pénétra par la porte charretière s’ouvrant rue Saint-Claude. Une cour resserrée donnait sur un porche dallé dont le degré portait une rampe en fer. Nicolas fut accueilli par un valet muet qui, sans écouter son propos, lui indiqua aussitôt un escalier en plein mur, où il s’enroulait dans l’obscurité. Nicolas eut juste le temps de déchiffrer le début de l’inscription gravée dans l’antichambre en lettres d’or sur un marbre noir : « PÈRE DE L’UNIVERS, INTELLIGENCE SUPRÊME. »
     
    Dans une pièce vide toute tendue de damas rouge, Cagliostro l’attendait et l’accabla avec excès de compliments aimables. L’habit quasi oriental étincelait, surbrodé, le mollet droit tendu, comme pour une pose d’apparat, laissait entrevoir un bas chiné à coins d’or. Les souliers en velours arboraient des boucles en pierreries. Au débordement des paroles correspondait celui des diamants, présents aux bagues des doigts, à la jabotière et aux chaînes des montres. Les nattes poudrées réunies en cadenettes ajoutaient encore au bizarre de l’aspect du grand cophte.
    Nicolas observait le comte. Il le faisait l’esprit libre, loin de la dispersion d’attention qu’occasionne toujours la conversation mêlée d’un souper. Pour décisive que fût pour lui la première impression, il s’évertuait toujours à offrir une seconde chance à son jugement. Et sa religion n’était pas établie àl’issue de la première rencontre chez La Borde. La silhouette mordorée qui s’agitait, le verbe haut et le geste multiplié, lui rappelait les mimiques des

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