L'année du volcan
a des connaissances en médecine, qui va voir les malades et ne fait point payer ses visites comme vous l’avez justement relevé, qui les guérit, pauvres ou riches ? Ma, oui, si c’est cela, ié suis oune empirique !
Il agitait à nouveau les papiers. Dehors le tonnerre grondait et la lueur des éclairs démasquait des figures étranges dans les recoins obscurs de la pièce.
— J’ai là des certificats. L’un de M. le marquis de Miromesnil, garde des Sceaux, et l’autre du marquis de Ségur. Les voulez-vous lire ? Tenez, le premier date du 15 mars 1783, il dit avoir eu connaissance de « plusieurs actions pleines d’humanité de cet étranger », moi ! Monsieur, moi ! Et ié ne parlerai pas du prince Louis.
Il se frappait la poitrine.
— Et pour le marquis de Ségur, il apprécie toujours parlant dé moi, dé moi ! « La bonne conduite et l’usage respectable qu’il a fait dans la ville de Strasbourg de ses connaissances et de ses talents, et les preuves multipliées d’humanité qu’il y a données . » Et il ajoute : « Cet étranger mérite la protection du gouvernement . » La protection, entendez-vous ? Voilà, monsieur, l’homme qué vous poursuivez de vos inquisitions !
— Monsieur, je ne suis pas un inquisiteur, je poursuis une enquête et dussé-je vous blesser, je dois en savoir un peu plus sur un terrain important d’une affaire que je traite. Je vous crois sur parole, ayant par ailleurs d’autres moyens de vérifier vos dires.
— Soit.
— Je poursuis. Que doit-on penser de la capacité que vous auriez prétendu posséder de transmuter les métaux en or et d’augmenter la grosseur des diamants ?
— Qué dois-je vous répondre ? Si ié vous assure que c’est la vérité, vous me déclinerez tous les édits de vos rois, et si je nie que cela soit la réalité, ié mé trahis moi-même. Comprenez que je suis un savant, quelqu’un qui essaye de percer les arcanes les plous hermétiques de l’univers. Ié pourrais vous en apprendre long, moussu, dans ce domaine. Noussommes quelques-uns réunis pour y réfléchir sous l’égide de la raison.
Cagliostro avait levé les mains. Les yeux écarquillés laissaient seulement voir leur blanc. Une sorte de transe tremblée s’était emparée du mage.
— Monsieur, dit Nicolas, nous reviendrons si vous le voulez bien à l’objet de ma visite. Avez-vous reçu ces derniers jours la visite intéressée d’un homme qui souhaitait dans une situation difficile avoir recours à vos prétendus pouvoirs…
— Prétendous, prétendous !
— Supposés, si vous préférez le terme. Pouvoirs qui autoriseraient l’espérance de voir transmuter un vil métal en or ?
— Décidément, cette question vous obsède, signore marquis. Serait-ce qué vous-même souhaiteriez y avoir recours pour combler… quelque dette de jeu, peut-être ?
— Monsieur, vous insultez le magistrat !
— Ié retire, ié retire. Mille scuze signore marchese ! Ié vois bien que vous n’êtes pas de cette natoure-là.
— J’attends votre réponse.
— Monsieur, j’aime votre pays. Ié ne souhaite pas devoir lé quitter sur des malentendous. Quoique ténou par le secret que tout médecin doit conserver à l’égard de son patient, ié vais…
— Il ne s’agit pas ici de santé, mais d’affaires concernant des intérêts particuliers.
— Soit. J’ai reçu oune noble seigneur qui, sous le couvert du secret…
Il secoua la tête et sembla se parler à lui-même.
— Non, vraiment, ié ne veux pas être mêlé à oune intrigue aussi délicate…
— Alors, monsieur ?
— Il m’a requis de l’aider. Ce n’était pas à son avantage, il servait d’intermédiaire à oune haute et pouissante personne qui se trouvait gênée, ne possédant pas la somme, oh ! considérable, pour régler oune dette.
— Un homme aussi subtil que vous a-t-il une idée du bénéficiaire de la demande ?
— Ié vous remercie du compliment. Ié crains de prononcer un nom que le respect devrait m’empêcher de dévoiler. Le personnage que j’ai reçu m’a semblé, semblé notez-le bien, venir de la part, puis-je vraiment lé dire ? de la part de Sa Majesté la reine, signore marquis , oui, de la reine !
Nicolas frémit. La souveraine lui avait-elle bien révélé l’entièreté de sa scabreuse situation ? Ce ne serait pas la première fois qu’elle lui cèlerait une partie de la vérité.
Ayant désormais lâché
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