L'année du volcan
l’essentiel, Cagliostro débitait son récit d’abondance, multipliant les détails.
— Voilà ce personnage, fort bien vêtu, de haut lignage selon moi, qui après de nombreuses circonvoloutions de langage, me demande s’il ne serait pas possible d’augmenter la taille d’oune poignée de diamants qu’il mé présente. La chose était pressée, il haussait le ton, parfois plaintif, parfois arrogant. Ié loui ai expliqué que s’il était en mon pouvoir dé transformer des pierres, cela impliquait de longs préparatifs et que le résultat n’était, de toute manière, pas assuré à tout coup.
— C’est étonnant, dit Nicolas ironique. Le cardinal, dit-on, prétend le contraire.
— Oh ! Lé cardinal… Et que dans ces conditions, ié ne pouvais m’y engager, d’autant plous que les opérations alchimiques requièrent une configuration favorable des astres qui se pouvait faire attendre.
— Bref, vous écartez donc cette première possibilité.
Cagliostro le considéra, étonné de la remarque.
— Oui, car il y eut bien une autre proposition, n’est-ce pas ?
— Il me supplia de transmuter en monnaie d’or oune masse considérable de monnaie d’argent.
Il hésitait à poursuivre.
— Et ?
— C’étaient des piastres espagnoles dont ié fis l’essai et qui se révélèrent fausses. Oui, moussu le marquis, fausses !
— En êtes-vous assuré ?
— Moussu, si ié vous livre de bon gré un secret aussi dangereux, c’est que ié souis dans la certitude de ce que ié viens de vous confier.
— Et qu’avez-vous fait, ayant découvert cette tromperie ?
— Ma , mon expérience a guidé ma conduite. Sous un prétexte ié mé suis éloigné. J’avais subtilisé une pièce pour la vérifier. Ié souis assez habile de mes mains…
Il les agita, les diamants des bagues étincelèrent à la lueur des chandelles qui éclairaient cette pièce aux croisées voilées de lourds rideaux. Nicolas faisait confiance à Cagliostro, expert en tout bonneteau, dans l’escamotage de la piastre sous le nez de son hôte.
— La preuve obtenue, ié décliné la proposition au grand dépit de mon hôte qui a même tenté de me menacer. Il n’était pas en position de le faire. Il mé suffisait d’adresser oune lettre au lieutenant généralde police, et dé dénoncer un crime capital, celui qui touche la fausse monnaie.
— Je vois avec satisfaction que vous connaissez bien nos lois. Toutefois je m’étonne que vous ayez dissimulé jusqu’à ce soir ce que le hasard vous avait fait découvrir.
— Ma , j’en étais demeuré à la requête de faire de l’or. Lé reste est oune grâce que je vous accorde.
Cagliostro n’imaginait guère que lui, Nicolas, sût tout de cet entretien. Cela facilitait l’intuition.
— Il vous revient, monsieur le comte, de compléter votre témoignage. Je ne vous ferais pas l’injure de penser que vous n’avez pas cherché à savoir qui était votre visiteur, ce patient aux si dangereuses exigences. Or donc, j’attends que vous m’apportiez cette information, en seconde grâce que vous me ferez l’honneur de me consentir.
— Les choses né m’apparaissent pas aussi simples.
— Ne me forcez pas, j’en serais au désespoir, à vous rappeler, avec les arguments les plus décisifs que vos propres paroles ont soulignés, qu’il s’agit désormais d’une affaire d’État. Vous-même avez été… Comment dire ? Aux limites de ce qui est tolérable. Oui, je sais, avec prudence et circonspection. Une illustre personne… Mettez-vous, je vous en prie, à ma place et tirez-en les conclusions utiles. Consentez-y et nous environnerons votre rôle dans tout ceci de ténèbres bienveillantes.
— Vous êtes un roude jouteur et…
— Je ne suis qu’un instrument de la justice et un serviteur du roi.
— Pour vous dire vrai, ié ne connais pas son nom.
— Hélas ! Monsieur. Me pousserez-vous à des extrémités que je regretterais ?
— Non, point d’excès prématouré. Ié dispose de quelque chose qui devrait vous intéresser. On sous-estime toujours oune belle âme comme la mienne.
Il se leva et alla fouiller dans un tiroir de son bureau. Il en tira un petit carton qu’il tendit à Nicolas.
— Cagliostro prend toujours ses précautions, surtout quand on le menace. Ié voulais savoir à qui j’avais affaire. Aussi bien Cagliostro a reproduit à la mine les armoiries timbrées sur la voitoure de mon visiteur. Ié n’ai
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