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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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ont survécu aux sauvages, aux fauves et aux serpents.
    Les vigies de quart et les guetteurs bénévoles s’usèrent inutilement les yeux en veillant aux brisants. Continûment rappelée à l’attention de la Vierge par des prières et des processions, Nossa Senhora do Monte do Carmo passa sans encombre.

    Encore sous l’émotion d’avoir tenu la senhora da Fonseca dans ses bras, François fut consterné d’être privé de sa rencontre quotidienne avec elle. Les femmes du château arrière se déchargeaient mal de la peur panique qui les avait envahies lors de l’effondrement de la mâture. La précarité du gréement de fortune, aussi bienvenu fût-il, leur faisait redouter d’assister à nouveau à un tel cataclysme. Aucune d’entre elles ne se sentant assez courageuse pour entraîner les autres sur la dunette, la communauté décida d’un commun accord de ne plus y monter jusqu’à Mozambique, d’autant plus que Custodia restait prostrée sur sa couchette, souffrant probablement de dysenterie. Margarida n’insista pas. Cela lui convenait très bien car elle ne souhaitait pas rencontrer François dans l’immédiat, après l’instant d’abandon qui les avait rapprochés corps à corps lors du démâtage.

    L’air devenait moins froid puis de plus en plus doux et chaud. Ils furent surpris de franchir si vite le tropique du Capricorne. Les passagers ne comprenaient pas pourquoi on ne poursuivrait pas sur Goa puisque, passées des semaines interminables, leur navire escaladait maintenant allègrement les degrés de latitude aux marges de l’océan Indien. On était presque arrivé. Les notables de l’arrière étaient d’autant plus virulents que dom Cristóvão lui-même était hors de lui. Maître Fernandes étant seul juge, il n’était pas tenu d’expliquer sa décision d’hiverner. Il fit malgré tout de son mieux pour faire comprendre au capitaine-major et aux gens du château que, loin sur leur avant, les vents instables allaient très vite souffler du nord-est, provenant de là où ils allaient justement. Sous sa voilure partielle la caraque serait encore moins capable que les navires indemnes de remonter contre le vent. Depuis toujours, la mousson sèche interdisait les Indes aux voiliers occidentaux à voilure carrée, conçus pour tirer le plus efficacement possible leur cargaison vers leur destination, pourvu que l’on attendît sans énervement un vent soufflant dans le bon sens. S’ils continuaient, ils devraient de toute façon faire demi-tour après quelques jours. La caraque poursuivait donc imperturbablement sa route defaçon à retrouver la terre d’Afrique aux environs de la latitude de 16 o et demi sud. Elle remonterait ensuite le littoral du Monomotapa en direction de l’île de Mozambique. Sous le soleil revenu, ceux qui n’avaient pas voix au chapitre pensèrent que cet hivernage décidé pour des raisons qui leur échappaient les reposerait des fatigues des quarantièmes à l’ombre des fameux cocotiers dont on leur disait merveilles.

    Alors qu’ils passaient devant la baie d’Angoche le matin du 28 août, jour de Santo Agostinho, par 16 o un quart de latitude sud, à une journée de mer ou deux à peine de leur destination, ils se réjouirent et s’étonnèrent d’y apercevoir deux galions au mouillage. Un coup de canon partit de l’un des navires qui hissa le pavillon d’attention. Loin des salves de joie habituelles, cette amorce isolée était surprenante. La caraque se rapprocha de terre et le pilote fit mettre en panne pour réfléchir. À des détails subtils qu’ils reconnurent aussitôt, les gabiers identifièrent de loin le Santo António et le São Bartolomeu . Maître Fernandes confirma que, selon le routier, la baie était large et saine sauf dans ses parages sud encombrés de bancs de sable. On pouvait ranger la rive nord, accore. La décision fut prise par le conseil du capitaine d’aller mouiller près des deux galions plutôt que leur envoyer une embarcation en restant sous voiles car leur présence inattendue en baie d’Angoche était de mauvais augure et suggérait de ne pas poursuivre la route. L’ancre tomba dans un hourvari de clameurs de joie et un grand tapage de tambours, de fifres, de cloches et de coups de mousquets. La fête se prolongea longtemps au dehors, mais l’euphorie fut de courte durée dans la pénombre du château.

    Quand les capitaines appelés au rapport montèrent à bord, le ciel tomba sur la tête de dom

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