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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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cercueil et lui à l’hôpital ? Eh bien dis donc ! En attendant, c’est fâcheux. Tu as une meilleure raison pour que je ne t’incarcère pas sur-le-champ ?
    — Pendant la traversée, j’ai servi d’assistant au pilote-major.
    — Au pilote aussi ? Tu es un homme universel !
    — C’est peut-être curieux en effet mais maître Joaquim Baptista Fernandes se portera garant de moi. Il m’a promis son aide. Tu peux immédiatement le faire interroger, il est encore à bord de la caraque.
    Le sergent qui paraissait aimable et assez ouvert avait longtemps réfléchi à ce cas compliqué, sifflotant les yeux au ciel tout en grattant une joue rasée de longtemps de l’ongle de son index. Son visage s’était illuminé.
    — Bon. Je te fais confiance. Tes références sont assez prestigieuses pour mériter examen.
    François avait respiré un grand coup et s’apprêtait à remercier le sergent de sa mansuétude, quand était tombée la fin de la phrase :
    — Ton cas sort du cadre de mes compétences, monsieur le Français universel. Je dois rendre compte à ma hiérarchie et il est trop tard pour que je la dérange ce soir. Je garde donc ton passeport et je t’arrête préventivement. C’est logique et c’est d’ailleurs la règle.
    Il avait ri sans méchanceté. Sourds aux protestations de François, le sergent et les soldats avaient alors débattu avec animation de sa prison de destination. Les Cárceres relevaient de l’Inquisition, et même si la présomption de luthéranisme était recevable malgré les dénégations du suspect, seul le tribunal pouvait décider d’y enfermer quelqu’un. Dans ces conditions, l’Aljube de l’archevêque pouvait convenir. Mais d’un autre côté, il s’agissait d’une enquête de police relevant du droit commun et donc du Tronco, la maison carcérale attenante au palais du vice-roi.
    En fin de compte, les criminels ayant priorité à la prison centrale saturée et François n’étant pas sous le coup d’une condamnation mais en attente d’un simple contrôle de police,il avait été dirigé vers la prison du vedor de Fazenda, le surintendant des finances, en bordure de la Ribeira. Ses chevilles s’étaient trouvées prestement enserrées dans des colliers de fer reliés par une chaîne.
    — Je ne crains pas que tu t’enfuies parce que tu n’es pas en bonne condition physique et que tu ne connais pas la ville, mais c’est la règle et c’est d’ailleurs logique.
    Le sergent s’était encore amusé de l’heureuse concordance entre la règle et la logique. François qui avait oublié Jean dans la calamité qui lui tombait sur la tête eut un brusque accès de sueur froide à l’idée de perdre sa trace dans les arcanes de cette cité méfiante et tatillonne.
    — Mon compagnon Jean Mocquet a été débarqué voici quelques heures avec les malades pour l’hôpital. A-t-il été arrêté comme moi ? Où peut-il se trouver ?
    — Les malades sont en grâce à Goa. Ton compatriote est sans aucun doute allongé dans des draps frais, occupé à dévorer une cuisse de poule. Ne t’inquiète pas pour lui. Il fera à coup sûr, comme toi, l’objet d’un mandat de police dès sa sortie de l’hôpital mais pas avant d’être guéri. Goa est le plus sûr et le plus agréable endroit au monde pour tomber malade.
    La bonne humeur du sergent était sans limites.

    Ils s’étaient mis en route et, sitôt la porte franchie, leur petite troupe avait tourné à gauche, longeant le haut mur de la rive Santa Catarina puis celui de l’arsenal des galères. François marchait péniblement, sa chaîne raclant le sol. Le petit nuage de poussière de latérite rouge qui suivait ses pas semblait consubstantiel au cliquetis métallique de l’entrave qui le soulevait. Débouchant sur une vaste place fermée à main gauche par le palais du vice-roi percé de sa porte monumentale, sa chaîne s’était mise à résonner plus fort sur le pavage de pierre blanche semblable à du marbre.
    François avait parcouru une demi-lieue encadré par les deux soldats, avant de parvenir à la prison. Sa religion restant à démontrer, le geôlier métis n’avait pas tranché entre les quartiers réservés les uns aux catholiques, les autres auxmahométans et indiens, et il l’avait conduit à la Sala das bragas où les esclaves et les galériens récalcitrants étaient mis aux fers le temps de devenir plus dociles. François s’était jeté sur un châlit crasseux.

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