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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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sans perdre l’esprit. Une lumière gaie tombait de l’ouverture au plafond, seul luxe appréciable de cette cellule de religieuses cloîtrées. François s’adossa au montant qui soutenait l’un des châlits supérieurs et étendit les jambes.

    Frappée par un rayon de soleil, la vitre du compas renvoyait diagonalement, de bas en haut, un carré de lumière réfléchie sur le ciel de la couchette qui lui faisait face, un plafond léger en bois grossier l’isolant du lit du dessus. Cette projection l’intriguait et il entreprit de reconstituer la trajectoire de la lumière à partir de la position du soleil. Alors qu’il se penchait sur le compas pour lire sur la rose la direction du nord, un rapide éclair rouge vif éclata en marge de son champ de vision. Il chercha à renouveler cet incident lumineux en déplaçant la tête et après quelques tentatives l’éclat rouge se ralluma. Iljaillissait d’un interstice entre deux lattes disjointes du faux plafond de la couchette. Il ne vit rien de remarquable en approchant son œil de la fente, car sa tête masquait alors le rayon lumineux.
    Juché sur un banc, il inspecta la couchette supérieure et constata qu’un second plancher de pin doublait le planchéiage du dessous, enfermant une sorte de double fond épais de deux ou trois doigts. Les sangles soutenant la paillasse que l’on avait sans doute jetée au pied du mât avec les autres étaient tendues à une main au-dessus de ce plancher. François fut surpris du soin avec lequel ce mobilier rustique avait été construit. Un nœud d’une des planches de pin avait sauté, laissant béante une petite ouverture ronde du diamètre d’une pièce de monnaie. La chose qui renvoyait l’éclat rouge était sans doute tombée dans ce trou. Une investigation rapide lui révéla qu’une des lattes était à moitié déclouée. Selon les lois naturellement perverses des probabilités, l’objet était coincé à l’autre bout de la couchette. Sa décision fut aussitôt prise de déclouer tout le fond du lit en s’aidant de la planche faisant levier, ce qui ne lui prit que quelques instants.
    L’objet apparut à la lumière comme une grosse goutte de sang luminescente traversée par en dessous par le soleil réfléchi. La bague était montée en or rose. Le rubis hémisphérique, lisse et rond, gros comme une griotte était serti par cinq griffes. Le bijou était simple, mais sa pierre irradiait quand elle était touchée par le soleil. François fit tourner sa trouvaille dans la lumière puis la mit dans sa poche. La passagère ayant perdu ce bijou avait sans doute imaginé un larcin. Il recloua grossièrement le planchéiage en s’aidant de la tranche d’une latte comme d’un marteau, reprit son compas sous le bras et alla remercier son hôte.

    Le jeune maître à bord contempla d’un œil respectueux l’objet de tant d’attention et s’étonna que l’aiguille fût capable d’indiquer aux pilotes la direction de Goa à l’aller et de Lisbonne au retour. François lui répondit que c’est un peu plus compliqué, mais qu’il avait bien raison de s’étonner dece mystère insondable, ce qui acheva de lui valoir l’amitié du sobresaliente.
    Le patron de l’almadie le fit s’impatienter une dizaine de minutes avant de répondre aux gestes qu’il lui faisait à se désarticuler les épaules. La boîte magique fut descendue main sur main avec précaution au bout d’un filin. François se retourna une dernière fois, salua d’un large geste circulaire les gaillards et le tillac de Nossa Senhora do Monte do Carmo , flatta son plat-bord d’une main superstitieuse et commença sa descente.

    Manuel avait installé selon ses instructions le fourneau et la réserve de charbon de bois, et l’attendait en époussetant les registres. Margarida n’était pas sur sa véranda, ce qui l’arrangeait. Lui-même resta à l’intérieur de l’atelier, évitant de se montrer à la fenêtre. Il ne se sentait pas capable de soutenir une conversation avec la jeune femme alors qu’il se préparait à faire l’amour avec une Indienne. L’impression bizarre de tromper une femme mariée avec laquelle il n’entretenait aucune liaison le mettait de méchante humeur. Il bénissait le ciel de disposer encore de son dimanche de congé pour prendre un peu de recul. Il repartit rapidement, chargeant son aide de se procurer d’ici au lundi une jatte de terre et une jarre d’eau de source qui serviraient à refroidir

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