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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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missionnaires qui ont inventé le mot caste. Nous ne partageons pas la société comme tu dis, et galimatias et systématique, je ne sais pas non plus ce que ça signifie. C’est toi qui es compliqué dans ta tête alors que c’est simple en réalité. Nous naissons dans notre jatî qui détermine notre varna, notre couleur. Même si je suis devenue chrétienne, ça ne change pas mon cycle cosmique. Peux-tu au moins comprendre ça ?
    Elle résuma finalement la hiérarchie du varna en comptant sur ses doigts : les brahmanes, les kshatriya, les vaishya et les shudra. Il lui demanda à quoi cela correspondait. Elle lui expliqua qu’au-dessous des sages initiés, les brahmanes, venait la classe des chefs et des guerriers, puis celle des producteurs terriens et des commerçants. Les shudra constituaient en bas de l’échelle le gros de la population, les serviteurs des trois varna supérieurs. Il l’interrogea alors sur sa position sociale, puisqu’elle tenait tant à sa hiérarchie.
    — Je comprends que tu es une shudra. C’est ça ?
    Elle répondit en levant les yeux au ciel que, comme les marins et d’une façon générale tous les corvéables des viles besognes, les pêcheurs étaient des harijans que l’on nommait à Goa curumbins, encore en dessous des shudra.
    Il se récria.
    — Tu n’es pas un pêcheur mais une commerçante, toi aussi, et une chrétienne qui plus est. Que fais-tu là-dedans ? Les Occidentaux vous ont fait découvrir une société nouvelle fondée sur d’autres relations entre les hommes et les femmes et entre eux et le ciel. Pourquoi persistez-vous à rester enclavés dans votre système invraisemblable ? Ne me fais pas croire que tu ne peux pas sortir de ton jatî, de ton varna ou de je ne sais quoi encore ?
    Il était énervé à la fin. Elle rit et elle l’embrassa.
    — D’abord, on ne vous a rien demandé. Ensuite, je suis une toute petite marchande et pas une commerçante. Le jatî c’est une fois pour toutes quels que soient le niveau social et les relations entre les gens, que les farangi le veuillent ou non. Si l’aigle Garuda déposait dans notre jardin un diamant aussi gros qu’une mangue et si j’achetais toutes les maisons de Goa avec, je resterais une harijan chrétienne cousue d’or, mais une harijan quand même. Je n’épouserais jamais un shudra ni encore moins un vaishya. Et même, jamais je ne prendrais un repas avec eux. Je ne pourrais toujours pas préparer la nourriture d’un brahmane. Et je ne vois pas en quoi cela te dérangerait puisque moi je m’en accommoderais sans problème dans ma tête.
    Elle dansait en parlant, virevoltant sur ses pieds nus en mimant du corps et des mains l’hypothèse de Garuda déposant une mangue étincelante à son intention. Elle était stupéfiante de grâce et de gentillesse. François était partagé entre désir et attendrissement. Il opta pour une admiration médiane.
    — Tes connaissances me surprennent, Asha. Tu dis être une moins que rien. Où as-tu appris tout cela ?
    — C’est inné. C’est le fondement même de notre existence. Le cours de nos vies antérieures a déterminé notre jatî. La façon dont nous maîtrisons notre vie actuelle tire le jatîde notre prochaine vie vers le haut ou vers le bas. J’espère que le mien évoluera vers le haut. En tout cas, il ne peut pas descendre plus bas. Sinon dans un animal. Tu me vois transformée en chatte ou en souris ? Ou en mouche importune ? Heureusement, les mouches ne vivent que quelques jours. Ce n’est pas trop long.
    Elle lui fit une jolie grimace, reprit son chargement des deux mains et le jucha sur sa tête. François, qui s’agaçait quand même d’être traité d’étranger stupide, persista dans sa tentative de la convaincre de ce qui lui semblait une incohérence.
    — D’abord, ça m’étonnerait que l’on ne t’ait pas appris au catéchisme que les animaux n’ont pas d’âme. Il faudrait que tu choisisses clairement entre Jésus et Vishnou. Ensuite, selon ton histoire de varna comme tu dis, je suis un serviteur. Un harichan. C’est pour ça que tu peux me fréquenter puisque tu ne connais personne en dehors de ton jatî.
    — Ha-ri-jan, pas chan. Ça te dérange que je me promène avec toi ?
    — Ne sois pas bête. La question est que moi, je sais des choses auxquelles la plupart des riches ne comprennent rien. Des choses du niveau des brahmanes. Alors comment gères-tu ma situation ?
    — Là là ! Le farangi

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