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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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votre fonds sacré et sont plus attachés à leurs rites que les chrétiens. Ai-je tort de dire cela ? Puisque vous vénérez un même dieu, pourquoi ne tolérez-vous pas les juifs jusqu’à les avoir chassés du Portugal ? Ni les luthériens ?
    — Les rabbins ne s’intéressent pas à vous mais puisque tu en parles, vous allez bientôt voir débarquer les pasteurs.
    — Tu n’as pas répondu. C’est vous qui redoutez de trouver les pasteurs en travers de votre route. Ils sont plus rigides et moins tolérants que vous.
    — Tu veux dire plus convaincants que mes frères, Bhaskar ?
    — Vois-tu, les Portugais ne m’inquiètent pas, ni les Hollandais à venir. Je crains beaucoup plus la pression de l’Islam. Le Coran propose un message simple à assimiler et à vivre.
    — Je sais que l’Inde subit depuis plusieurs siècles l’influence de l’Islam. Il s’étend en Asie. Nous connaissons bien les Maures. Nous avons dû reconquérir le Portugal qu’ils avaient envahi.
    — Les Arabes sont très intelligents. Comme les juifs. Ce qui est étonnant, c’est que les musulmans et vous implorez le même dieu créateur.
    — Il n’a pas été révélé par le même prophète.
    — Vous êtes bien compliqués. Votre religion est désincarnée et froide malgré vos processions qui occupent les rues pour impressionner le peuple. Les hindous n’ont pas eu besoin de la révélation d’un guru pour croire à l’enseignementdes Veda. Ils participent à l’ordre naturel du monde, chacun à sa place parmi les hommes, les animaux, les plantes et les rochers.
    Le brahmane opposait une logique élémentaire aux dogmes fondamentaux. Ses attaques courtoises mais véhémentes mettaient le jésuite mal à l’aise. On le voyait à la manière dont il agitait nerveusement son pied gauche. La nuit tombait. Il faisait très doux ce soir-là. La rue était calme et silencieuse. Les groupes assis comme eux dans l’ombre devant leurs seuils parlaient chacun pour soi. À peine percevait-on ici et là une exclamation lointaine suivie d’éclats de rire. Des cris venus du haut de la rue mirent brutalement fin à cette paix tranquille. Ils ne distinguaient rien mais les bruits d’une bagarre et de choses brisées furent traversés par un hurlement.
    —  Carapuças !
    Comme tous leurs voisins dressés d’un seul mouvement, ils rentrèrent précipitamment, encombrés de leurs tasses, tirant leurs sièges qui raclaient le sol derrière eux.

    Tien Houa alluma une chandelle et initia la combustion d’un de ces serpentins d’herbes séchées qui avaient la vertu d’éloigner les moustiques tout autour de l’océan Indien et de la mer de Chine. L’odeur rappela à François que Fleur leur en allumait le soir à Mozambique. Les petites fesses dodues de la mulâtresse lui traversèrent la mémoire comme une impiété primesautière.
    Le brahmane tourna le buste à droite puis à gauche vers Jean puis François.
    — Je n’ai pas l’indiscrétion de surveiller vos déplacements mais, étant obligé de vous voir vivre bien malgré moi, il me semble que vous n’observez pas beaucoup vos rites ni l’un ni l’autre. Nous n’avons jamais parlé de cela entre nous. Pouvons-nous continuer notre conversation avec le frère Antão sans vous importuner ?
    L’interpellation qui s’adressait à lui fit sursauter François. Il s’était d’abord demandé ce qu’il faisait dans ce débat qui le concernait peu alors que Margarida était enfermée depuis trois jours dans un couvent à quelques minutes à peine delà. Depuis l’odeur du serpentin, il cherchait à imaginer à quoi Fleur pouvait bien être occupée en ce moment précis. Il rentra en hâte de Mozambique.
    — Jean me contredira au besoin mais il est vrai que nous ne sommes pas des pratiquants assidus. Nous avons cependant des amitiés chaleureuses parmi les prêtres. Nous apprécions de les fréquenter.
    Il inclina la tête en direction d’Antão.
    Mocquet opina de la tête. Les relations de l’apothicaire avec Dieu étaient sympathiques mais distendues. Le brahmane rit sans méchanceté.
    — C’est paradoxal. Vos prêtres s’époumonent à exiger que nous embrassions leur foi mais ils ne parviennent pas à convaincre leurs frères.
    — Je te l’accorde hélas, répliqua Antão, mais là n’est pas le problème. Nous sommes ici en terre de mission.
    — Ah ! C’est ça ! En terre de mission.
    L’Indien s’amusait manifestement mais il se

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