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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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célébrer ce soir un anniversaire.
    — Ce n’est pas le mien. Fêtons-nous vos dix-sept ans ?
    — Vous êtes en progrès, François ! Vous feriez un parfait fidalgo. Non. Nous sommes le 30 septembre.
    — Et ?
    — J’ai choisi ce jour parce que, il y a juste un an, Zenóbia s’est éteinte peu après notre arrivée à Mozambique. Vous souvenez-vous d’elle ?
    — Le jour des dauphins et des poissons volants. Votre tante, tellement contrariée de vous trouver au bastingage parlant français avec un inconnu dont vous ignoriez jusqu’au nom.
    — Elle était hors d’elle.
    — J’avais de l’affection pour elle malgré ses préventions contre moi. Vous m’avez appris son décès quand nous nous sommes rencontrés par hasard dans la petite chapelle de Mozambique.
    — C’est vrai.
    — Vous m’avez justement dit ce jour-là que vous aviez besoin de moi si j’étais vraiment votre ami. Je pensais l’être. Après tout, je faisais partie de ses relations et des vôtres. Étiez-vous mon amie vous-même ?
    — Je vous détestais en réalité, en vous disant cela. Il y avait trois mois que nous avions inhumé ma tante. C’était horrible. Nous l’avions laissée là, à même le sol, à peine recouverte d’une pelletée d’ossements dérangés pour lui faire un peu de place dans cet effroyable charnier. Je vous attendaiscomme une sauvegarde. Vous n’étiez pas venu. Vous n’aviez pas fait un geste ni envoyé le moindre signe.
    — Je n’ai pas compris pourquoi vous ne me l’aviez pas fait savoir aussitôt.
    — Je vous avais cherché malgré les convenances mais je ne vous avais pas trouvé. Je m’étais naïvement imaginé que, puisque vous saviez tout, vous étiez informé de mon deuil et de ma solitude.
    — Je n’étais qu’un aide pilote. Étranger de surcroît. Maître Fernandes, le pilote-major, était ma seule caution.
    — Après notre rencontre accidentelle, j’ai compris que vous viviez complètement à l’écart du cercle des notables de la citadelle.
    — Hors de Nossa Senhora do Monte do Carmo , je n’existais pas.
    — Je l’ai compris. J’en ai beaucoup voulu à notre petite communauté en danger d’être incapable dans sa détresse de rompre les barrières sociales et de se réinventer. Dom Cristóvão a bien su vous trouver quand il a eu besoin des soins de votre ami l’apothicaire. C’était donc possible.
    Elle lui tendit l’un des verres et prit l’autre.
    — Au fil de nos rencontres en mer sur la dunette, quand vous nous expliquiez tant de choses passionnantes sur la terre et le ciel, Zenóbia avait fini par ne plus se méfier de vous, à vous admettre puis à vous apprécier. Votre discrétion à mon égard la rassurait et votre délicatesse envers elle la touchait beaucoup. Quand le mât s’est rompu, vous avez su trouver les mots qu’il fallait pour raisonner notre terreur. Nous avions cru devenir folles. En nous tranquillisant, vous nous avez épargné les séquelles mentales de cet effroyable accident.
    — Peut-être m’avez-vous donné vous-même ce jour-là la volonté d’être courageux. Je crois même que cela s’est passé ainsi.
    — Qui plus est, vous êtes modeste.
    François éluda le compliment.
    — C’est un bien triste anniversaire
    — Attendez. Je n’ai pas fini. Juste avant de rendre son âme à Dieu, Zenóbia qui m’abandonnait avant la fin duvoyage m’a confiée à vous en me léguant son dernier sourire. C’était tout son bien depuis que l’on avait volé son unique richesse, un rubis discret qui était sans prix. Elle en était désespérée. Ma tante était pauvre. Elle vous jugeait un homme droit qui saurait me protéger quoi qu’il advienne. Nous célébrons l’anniversaire de votre engagement. Et sa confirmation si vous le voulez bien.
    Elle leva son verre en le tendant vers lui.

    La bague trouvée à bord de la caraque lui était sortie de la tête dans le cours tumultueux des événements de la soirée. Il venait d’identifier sa propriétaire. Il fut au désespoir de ne pas l’avoir dans sa poche comme souvent et de manquer ainsi la formidable opportunité de poser à l’instant ce souvenir posthume dans la main de Margarida. Il résista à l’envie de lui révéler aussitôt sa découverte, afin de ne pas gâcher la surprise qu’il lui ferait un autre jour. Pendant qu’il réfléchissait très vite, elle égrenait à nouveau les perles de son collier, rêveuse, jouant avec sa croix.

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