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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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goanaise. Une paire de triples colonnes corinthiennes inutilement massives encadrait une ferronnerie et supportait les volutes d’un fronton triangulaire percé d’une niche habitée par un saint et surmonté d’une croix. L’ensemble monumental imitait la façade d’une chapelle manuéline. Il sauta de sa monture que son guide attacha à un anneau avant d’ouvrir la grille qui tourna sans grincer, témoignant des mérites du régisseur. Le jardin planté d’arbustes luisants était fermé à une cinquantaine de pas par une maison blanche dont la simplicité harmonieuse contrastait avec le portail. Longue et basse, elle consistait en un rez-de-chaussée à pilastres régnant au niveau d’un perron d’une douzaine de marches auquel conduisait une allée rectiligne. Son sable très blanc fait sans doute de corail et de coquilles brisées luisait sous la lune comme une saline au soleil. Le guide silencieux lui montra la demeure, commentant son geste d’un mot bref ressemblant à Pongal  ! qu’il comprit comme une invite à y entrer.

    Le sol du corridor était d’ embrechados blancs à motifs de grosses fleurs rouges. Une enfilade de pièces à gauche, et à droite un grand salon étaient déserts mais illuminés a giorno par des lustres et des candélabres de Murano. L’abondance du mobilier d’ébène disposé sur des tapis persans indiquait que les invités pouvaient être nombreux les jours des réceptions, des concerts et des bals. Quelle que fût la raison de son rendez-vous dans cette quinta luxueuse, François fut gêné de la simplicité de sa tenue. Il boutonna instinctivement saveste de toile, d’un geste rendu malhabile par son chapeau qu’il tenait à la main.
    Il avançait pas à pas, comme dans un rêve, un peu sur le qui-vive. Le vestibule débouchait sur une véranda. Régnant sur toute la largeur de la villa, elle reliait deux ailes latérales encadrant une terrasse dallée fermée par une balustrade ajourée. La pièce était plongée dans l’obscurité, mais au dehors la lagune brillait sous la lune, griffée de traits noirs à peine obliques, comme si un artiste avait essayé sur une feuille blanche sa plume trempée dans de l’encre de Chine. Il admira une fois encore l’élégance discrète du cocotier dont le tronc long et mince porte haut ses palmes en s’efforçant de se faire oublier. Il traversa la pièce et admira la cocoteraie qui dévalait vers le plan d’eau.

    — Vous voici enfin, François. Soyez le bienvenu.
    La véranda était apparemment déserte. Venant de nulle part, la voix avait le timbre de Margarida. Il s’attendait à une surprise, mais celle-là dépassait l’entendement puisque la senhora da Fonseca était sous la garde de la mère supérieure de Nossa Senhora da Serra. Son inconscient malmené dut trancher en un éclair entre rêve et incompréhensible réalité.
    — Margarida ?
    — Sadar a été bien lent à vous conduire à la quinta. Je ne pense pas qu’il vous ait importuné en route. Son nom signifie Respectueux. C’est un serviteur de confiance mais il n’a jamais consenti à retenir le moindre mot de portugais. Sa discrétion est absolue. Il entretient notre cocoteraie.
    Il s’approcha avec précaution d’une méridienne qui lui tournait le dos. Margarida en émergea, se dépliant souplement comme une panthère glissant d’un arbre, se débarrassa de ses mules de cuir doré et vint vers lui nu-pieds. Sur une jupe longue plissée en soie fluide mordorée, elle portait une jaquette semée de fleurs brodées en camaïeu de beige. Ce vêtement strictement ajusté et lacé avait la particularité déconcertante de laisser largement découvertes ses épaules et d’offrir sa poitrine nue. Une chemise de mousseline transparente comptait peu en effet, soulignant plutôt l’impudeur tranquille de latenue d’intérieur de la Rome de l’Orient. La mode extravagante des femmes de la haute société goanaise était en leur privé d’un érotisme subtil. Ses cheveux dénoués tombaient en boucles sur ses épaules. Il n’avait pas remarqué qu’ils fussent si longs. Elle portait aux oreilles des pendeloques de perles noires assorties à son collier auquel était attachée une petite croix en rubis qui semblait rougir de confusion de se trouver là. Il émanait d’elle ce parfum d’ylang-ylang qui l’avait envahi le jour des dauphins et des poissons volants.
    — Bonsoir, François. Vous avez l’air tout interdit.
    Il faisait des

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