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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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flocon de neige. La vague géante grandit, submergea Margarida et explosa en elle avec violence. Elle cria de surprise. Le parizataco étendit son feuillage au-dessus des amants pour cacher son triomphe à Aphrodite.

    La lune avait traversé le paysage. Elle déclinait déjà vers la haute mer et vers un autre jour. Margarida était étendue sur le dos, une jambe pliée sous elle, les deux bras allongés, légèrement écartés, les cheveux en désordre autour de son visage, offrant sa nudité à la lune. Les perles noires et la croix de rubis luisaient sur sa peau blanche. Elle avait l’impudeur païenne d’une Néréide ayant fui le banquet des dieux pour s’étendre un instant chez les mortels mangeurs de pain. Elleétait restée une longue minute haletante, se mordant les lèvres, les yeux grands ouverts, étonnés.
    Elle s’était dévêtue. En se débarrassant fébrilement de ses vêtements, elle n’avait pas compris exactement si elle se purifiait ou si elle reprenait sa liberté. Elle avait simplement éprouvé le besoin incoercible de se mettre nue. Son corps était parcouru de frissons car elle vivait encore son paroxysme. François se tenait sur la hanche, appuyé sur son coude et il la contemplait en silence. Il caressait son avant-bras de l’index, en allant chaque fois de la saignée du bras vers le poignet. Il avait retrouvé d’instinct le geste de la réanimation des aiguilles marines, du pivot vers la pointe, toujours, pour concentrer l’influx de la pierre d’aimant et le forcer à pénétrer le métal. Aimant. Amant. Avait-il le pouvoir de recharger l’influx vital de son amante ? Que pouvait bien penser tante Zenóbia, là-haut, de l’homme à qui elle avait fait confiance ?
    — François ?
    Il se pencha jusqu’à ses lèvres pour leur répondre en les effleurant des siennes.
    — Je suis si bien. Je peux vous faire un aveu ?
    — C’est votre choix.
    — Vous m’avez fait devenir femme.
    — Vous vous moquez, petite senhora. Ce n’est pas bien.
    — Je ne me moque pas, François. Pour la première fois de ma vie, j’ai senti mon corps exploser. Il s’est sublimé dans un accomplissement absolu. Je ne peux pas vous expliquer. J’ai percé un secret suprême que je soupçonnais sans rien y comprendre. Avez-vous été bouleversé vous aussi tout à l’heure ? J’ai compris que tous les hommes prennent beaucoup de plaisir avec leurs maîtresses. Vous faites souvent l’amour ?
    Il attendait cette question. Il se jeta à l’eau.
    — J’ai une petite amie à Goa. Je la rencontre quelquefois. C’est une Indienne très modeste. Elle est baptisée. Elle s’appelle Asha.
    — Ne prenez pas ce ton catastrophé. Vous vivez votre vie de célibataire. Moi, j’ai un mari après tout. Je ne vousdemande pas si elle est jolie et intelligente. Elle l’est sûrement. Elle a de la chance de vous avoir rencontré.
    Elle s’était tournée sur le ventre, le buste appuyé sur ses avant-bras, et elle le regardait de ses yeux d’émeraude, le menton posé sur ses deux poings.
    — Ce cœur qui bat la chamade, cette convulsion intense jusqu’à la douleur, croyez-vous que l’on peut en mourir ?
    — J’ai entendu dire que c’est arrivé.
    — C’est une belle mort.
    Margarida roula vers lui.
    — Moi aussi, j’ai de la chance de vous avoir rencontré. Si nous mourions ensemble, François, de cette belle mort ? Nous avons déjà partagé tant de dangers que nous en survivrons malgré nous. Comme c’est dommage. Nous mettrions Goa dans une telle effervescence !
    L’arbre complice les déroba à nouveau aux regards jaloux des dieux.

    Ils se promenèrent longuement le long de la rive, main dans la main sans se parler pour rendre plus intime leur bonheur d’être ensemble. S’étreignant quelquefois comme des héros tragiques, ils allaient lentement, comme pour ralentir la nuit. Ils avaient compris l’un et l’autre que ce moment magique s’évanouirait au lever du jour, à l’heure où les sortilèges se dissolvent en rosée. Ils savaient que cette nuit irréelle rendrait médiocre et donc insupportable toute nouvelle relation d’amour.

    Ils s’étaient étendus côte à côte, immobiles, main dans la main toujours. Ils n’avaient pas le temps de dormir. La nuit, elle, s’assoupissait. Quelques bâillements dans le noir du ciel annonçaient l’arrivée de l’aube destructrice des rêves. Alors, ils mirent fin à leur angoisse, ayant hâte de se

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