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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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embarquerez dans deux semaines à bord de la première caraque, puisque vous accompagnerez Mendonça. Croyez bien que je le regrette. Dom André est d’ailleurs bien avisé lui aussi de quitter le territoire avant que nous nous occupions de ses idées généreuses.Je vous suggère une fois au moins de remercier le ciel. Le Seigneur vient de vous sauver. Méditez sa sollicitude. Hors de ma vue !

    Ils restaient interdits. L’inquisiteur les congédia d’un revers de main accompagné d’une moue comme s’il écartait des mouches à viande.

François sortit blafard du palais du Saint-Office. Jean s’étonnant de sa triste mine tandis qu’ils rejoignaient la rue du Crucifix, il lui avoua la ruine de sa décision de rester à Goa. L’apothicaire haussa les épaules.
    — Je finirai par trouver des vertus à l’Inquisition si elle t’a empêché de donner suite à une idée aussi aberrante.
    Ils étaient tout d’un coup surpris tous les deux par l’imminence du départ de la flotte. François n’y avait pas songé du tout, et Jean envisageait comme une vague notion l’épreuve d’une nouvelle traversée. Leur calendrier illimité venait de se réduire brusquement à quelques petits jours. Dans son désarroi, François était submergé par les visages de deux femmes. Fort de sa décision, il ne s’y était pas préparé et l’injustice de son sort le fit pleurer d’impuissance, ce qui eut le don de mettre Jean en colère.
    Margarida avait dû rentrer de la quinta puisque tout Goa savait le retour de dom Alvaro. Elle n’était donc plus accessible.
    Asha connaissait déjà la nouvelle quand il courut au Terreiro dos Galos lui raconter leur séjour au Sabaio. L’ordre d’expulsion immédiate des étrangers s’était répandu en ville. Elle était triste. Moins pour elle qui savait bien qu’il partiraittrès vite, que pour lui qui sanglotait sans honte. Elle le serra contre elle et posa sa tête sur son épaule.
    — Mon François est malheureux. Il va perdre sa belle princesse. Alors, il vient demander à sa petite Asha toute la réserve de tendresse qu’elle peut encore lui donner pendant ses derniers jours en Inde.
    — Tu sais combien je t’aime, Asha. C’est toi qui vas me manquer.
    — Eh bien, tu m’emmènes avec toi en France. Je ne te manquerais plus.
    Il s’écarta brusquement d’elle, et la regarda ébahi. Elle avait mis ses poings sur ses hanches.
    — T’emmener à Dieppe ?
    — M’emmener à Dieppe. Exactement. Ce n’est pas une bonne idée ? Depuis le temps que tu me le dis, tu comptes toujours m’épouser ? Alors, si tu rentres dans ton pays, il faut bien que je t’y suive. Mariés ici ou mariés là, le sacrement ne change pas. Ici, le problème sera vite réglé. Mes parents seront tristes mais ils me sauront heureuse de l’autre côté de la Terre si tel est le cycle de ma vie. Il y a des crevettes là-bas puisque tu m’as parlé de pêcheurs. Non ?
    François fut pris de court.
    — Euh.. oui. Ce sont les femmes chez nous qui les pêchent le long des plages.
    — Eh bien voilà. J’irai en ramasser et parce que j’apporterai une grosse provision de poudre de kari, tes amis se disputeront autour de mon étal. Ils adoreront ma cuisine et je deviendrai très riche. Tu n’auras même plus besoin de travailler à dessiner sur tes peaux de moutons.
    Il en restait la bouche ouverte.
    — Asha ! Tu te vois à Dieppe ? Sans ta famille, sans tes frères, sans cocotiers, sans chaleur, sans soleil, je ne sais pas… sans rien de ce qui t’entoure ici !
    Elle éclata de rire.
    — Je t’ai fait peur ! Je plaisantais, François. Je mourrais de froid et de rhumatismes. De toute façon, je comprends très bien que tu aurais honte de ramener une petite Indienne aux pieds nus dans ton pays.
    — Ne dis pas cela, Asha ! Tu sais parfaitement que c’est faux. Ne dis pas des choses pareilles.
    Il lui prit les mains.
    — Je suis vraiment sincère en te disant que tu serais malheureuse chez moi. La vie y est patiente et grise. J’avais fermement décidé de rester à Goa. Moi-même, j’ai très peur de me retrouver en tête à tête avec l’univers clos de ma jeunesse. Alors toi !
    Elle se dégagea doucement et alla lui remplir un petit bol de légumes. Il le mangea distraitement à l’indienne, à petites pincées de la main droite.
    — Vois-tu, Asha, je n’ai pas fait grand-chose d’utile à Goa en sept mois. Bien moins que je l’imaginais. Juste, par

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