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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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pour la vie. Les vols les plus réussis, prolongés loin par quelques ricochets sur les vagues, justifiaient des salves d’applaudissements et des commentaires enthousiastes. Bouillonnante de vie, la mer était vraiment en fête.

    Margarida lui effleura le bras d’un doigt ganté de dentelle noire, et il sentit ce stimulus comme une décharge électrique.
    — S’il vous plaît, monsieur, poursuivez !
    Il remercia mentalement Jean Alfonse de lui offrir cette incroyable opportunité d’intéresser une jolie femme qui ne l’aurait sans doute même pas regardé sans ce hasard.
    — Alfonse était un homme d’action passionné. À cette époque, les gentilshommes corsaires de la reine Elizabethd’Angleterre faisaient une guerre sans relâche aux intérêts des Espagnols. Nous ne les aimions pas beaucoup nous non plus depuis qu’ils avaient massacré nos colons en Floride. La course aux galions espagnols souda la communauté maritime normande et la rapprocha des Anglais.
    — On dit pourtant que vous ne vous entendez pas avec eux.
    — Mieux qu’avec les Espagnols en tout cas. C’était courant vous savez. Guillaume le Testu, un fameux cartographe havrais, est mort à Nombre de Dios en aidant son ami Francis Drake à attaquer un convoi muletier chargé d’or du Pérou.
    François était maintenant tout à fait à l’aise.
    — Du temps de votre bisaïeul, le mien armait en course pour la mer des Antilles. La guerre aux Espagnols était une motivation forte qui pouvait rapporter la fortune, et ce fut le cas pour notre famille.
    Margarida écoutait fascinée ce jeune inconnu érudit de condition modeste qui, en quelques minutes, lui était devenu presque familier.
    — Qu’est-il arrivé à mon arrière-grand-père ?
    — Alfonse était parti courir au large du cap Saint-Vincent.
    — C’était un corsaire ?
    — Oui. Il avait une lettre de marque de François I er . Les corsaires réguliers et les pirates de toutes origines attendaient les flottes de l’or de retour de la Nouvelle-Espagne à Saint-Vincent. C’est sur ce cap remarquable qu’elles recalaient leur navigation après leur traversée de l’Atlantique avant de faire route sur Cadix.
    — Je suppose que les flottes étaient protégées par la marine ?
    — Bien sûr. La zone était infestée de galions espagnols armés en guerre. C’était en 1544, à la fin septembre. C’est à cette époque de l’année qu’arrivaient les convois. Les navires avaient quitté Veracruz dès la fin de la période des vents violents du nord pour se regrouper à La Havane avant de traverser l’Atlantique. La date est connue parce que, cette année-là…
    — Charles Quint et François I er ont signé la paix.
    François acquiesça, un peu surpris de ses connaissances historiques.
    — Votre bisaïeul n’a pas eu de chance. Quand il a été pris en chasse par trois galions espagnols, il ignorait que les hostilités avaient cessé entre la France et l’Espagne. Depuis quelques jours, depuis le 19 septembre exactement, il n’était donc plus un corsaire mais un pirate.
    — Il a été pendu ?
    — Je ne crois pas. Selon des prisonniers rentrés en France, il aurait été torturé à mort quelques années plus tard sur l’ordre du neveu de Charles Quint, Maximilien, qui gouvernait l’Espagne en despote. En tout cas, personne ne l’a jamais revu.
    Margarida se dégagea doucement. Elle regardait François avec une intensité qui lui fit détourner le regard, et ses joues avaient trouvé un peu de sang pour rosir d’excitation.
    — Je n’imaginais pas que ce voyage en mer allait m’apporter l’explication d’un mystère de famille. Vous venez de me confirmer qu’il n’a pas abandonné sa femme et son enfant. Vous comprenez que nous étions conduits à l’imaginer comme une douloureuse hypothèse. Je sais maintenant qu’il est mort en Portugais comme un homme de courage et de conviction.
    Il fit l’effort de la fixer dans les yeux.
    — Alfonse de Saintonge était unanimement respecté chez nous comme un homme d’honneur et de bien.
    — J’en suis certaine et je vais m’en emplir le cœur. Merci, monsieur. Merci vraiment de tout cela. Je rentre consoler ma tante. Je ne vous dis pas adieu. Nous nous reverrons j’imagine ?
    Avant qu’il pût articuler un mot, elle disparut comme elle était arrivée. Le vent dissipa son parfum sur la mer et les poissons volants se transformèrent en libellules.

Des conciliabules

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