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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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s’en guérir, ce mal-être pouvait entraîner une mort par anémie au cours d’un aussi long voyage.

    Une forme sombre frôla son bras gauche. La silhouette exhalait une fragrance exotique. Grâce au hasard d’une trouée opportune dans le quadruple alignement des dos qui lui cachaient la mer, dona da Fonseca Serrão ajouta une nouvelle pépite au trésor de cette matinée exceptionnelle. Il lui fit un peu plus de place, isolant d’urgence le soldat et son ail d’un coup de flanc impérieux.
    —  Bom dia, senhora , parvint-il à articuler malgré l’émotion qui paralysait ses cordes vocales.
    Ayant éliminé les expressions pouvant rappeler les cours particuliers de Rafaela, une révision en catastrophe de sa pratique du portugais ne lui avait délivré aucune formule complémentaire qui fût d’une syntaxe assez assurée pour être à la hauteur de la circonstance.
    — Bonjour monsieur, dit-elle en fronçant le nez malicieusement.
    — Vous parlez français ?
    — Bien sûr. Je ne me trompe pas à votre accent épouvantable ? Vous êtes Français, n’est-ce pas ?
    Offert dans le capuchon d’une mante de velours noir dont s’échappaient quelques cheveux frisottés indociles, le visage de la jeune femme était tiré par la fatigue. Ses lèvres devaient être plus rouges dans des circonstances plus toniques. Sa pâleur faisait ressortir l’éclat de son regard d’un vert profond. Elle n’était pas jolie, elle avait un charme lumineux. Il y succomba instantanément. Il bafouilla.
    — De… oui, Français... de Dieppe.
    — J’ai eu un bisaïeul qui a longtemps vécu en France où il fut semble-t-il honoré. C’était un navigateur confirmé. Ce sont des dauphins, n’est-ce pas ?
    — Oui, senhora. Les navigateurs les chérissent comme des intercesseurs. On dit que s’ils manquent à sauver un noyé en le portant sur leur dos, ils prennent au moins soin de son âme.
    — Je les aimerai encore plus. Quel magnifique spectacle !
    Terrorisé à l’idée qu’elle pourrait repartir tout de suite, François s’accrocha à son ancêtre.
    — Est-il indiscret de vous demander dans quel port votre aïeul a-t-il exercé son art ?
    — Il a vécu d’abord à La Rochelle où mon arrière-grand-mère l’avait rejoint. Il est parti plus tard tout seul en Normandie, je ne sais où.
    — Probablement à Dieppe ou au Havre-de-Grâce. On l’appelait alors Franciscopolis car il avait été fondé par notre roi François. Il n’acceptait pas que notre pays fût tenu à l’écart de la conquête maritime du monde.
    Elle releva poliment l’allusion.
    — Il est vrai que le Saint-Siège a longtemps fait la part belle au Portugal et à la Castille, et votre roi a eu raison de protester.
    Elle se penchait par-dessus bord pour suivre les dauphins qui jouaient sur l’avant. Elle répondait avec désinvolture.
    — Que faisait-il ? Pardonnez-moi. Ma question est peut-être indiscrète.
    — Qui ? Alfonse ? Notre tradition familiale affirme qu’il aurait été le pilote de votre Iago Cartier. C’est très probablement une légende mais nous y tenons beaucoup. Vous savez, nous autres Portugais sommes excessivement jaloux de nos relations avec la mer. Il était parti seul et il a disparu. Ma grand-mère ne l’a jamais revu. Nous avons perdu sa trace mais pas la tradition de parler quelquefois français, confirma-t-elle avec un petit rire qui fit frissonner François. Ma mère réside toujours à Arraiolos. Connaissez-vous le Portugal ?
    Elle avait prononcé quelque chose comme Arlsh, ce qui rendait inintelligible l’information sur sa géographie familiale, mais de toute façon, François avait la tête ailleurs. Dans l’atelier de Guillaume. Il murmura comme s’il réfléchissait à voix haute :
    — Jean Fonteneau. Nous sommes en train d’évoquer Jean Fonteneau, autrement dit Alfonse de Saintonge !
    — Vous avez entendu parler de Jean Alfonse !
    Sa bouche s’était arrondie de surprise en prononçant « Jon » à la portugaise, et ses yeux écarquillés montraient que François venait de prendre la main. Il s’élança :
    — Je m’appelle François Costentin. Je suis d’une famille d’armateurs et de marins. Je m’initie à l’art de la cartographie dans l’un des ateliers normands qui développent au nord de la Loire la facture des portulans et l’art de naviguer. Nous considérons Alfonse comme l’un de nos maîtres. Nous le tenons pour Saintongeais et nous

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