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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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qu’on peut trouver à Paris tant de bijoux fabuleux réunis sous un seul toit. La police ne prend pas de risques. Il y aura même des détectives qui se mêleront aux invités.
    –  En costume ?
    –  C’est possible. Pourquoi ?
    –  Il vaut mieux savoir. J’avais l’intention de m’emparer des émeraudes Rothschild. »
    Kate baissa la vitre.
    « Ça vous ennuie, je le sais. Mais cette fois, vous ne vous en tirerez pas.
    –  Ça ne m’ennuie pas, Kate. Au contraire. Je n’avais rien d’autre à faire. Servira-t-on à boire ?
    –  Évidemment. Je peux même faire signe au maître d’hôtel. Je le connais assez bien. »
    On entendait sur le pavé le rythme du cortège.
    Ils ne défilaient pas. Ils marchaient en désordre. On avait l’impression d’entendre passer un troupeau épuisé.
    « Dans quel siècle choisiriez-vous de vivre, Ravic ?
    –  Dans le nôtre. Autrement, je serais mort, et il y aurait aujourd’hui un imbécile qui porterait mon costume pour aller à la fête.
    –  Ce n’est pas ce que je veux dire. Je veux savoir dans quel siècle vous choisiriez de revivre votre vie.
    –  Même chose, dit-il en examinant sa manche. Dans la nôtre. C’est le plus ignoble, le plus sanglant, le plus corrompu, le plus incolore et le plus lâche, mais ça n’y fait rien.
    –  Pas moi », dit Kate en serrant ses mains comme si elle avait froid. Le brocart soyeux brillait autour de ses poignets. « Je choisirais le XVe siècle, ou même un autre, avant celui-là. Mais je ne choisirais pas le nôtre. Je ne me rends compte de cela que depuis quelques mois. Je ne m’étais jamais donné la peine d’y réfléchir. » Elle baissa complètement la glace. « Comme il fait chaud, n’est-ce pas ! Et quelle humidité ! Le défilé est-il terminé ?
    –  Oui, voilà les derniers manifestants qui passent. »
    Un coup de feu retentit. Il venait de la rue de Cambronne. En un instant les policiers du coin eurent enfourché leurs bicyclettes. Une femme se mit à crier. Comme une réponse, une rumeur parcourut la foule. Les gens se mettaient à courir. Les agents fonçaient dans la foule, en jouant du bâton.
    « Qu’est-il donc arrivé ? demanda Kate effrayée.
    –  Rien du tout. Une crevaison, je crois. »
    Le chauffeur se retourna, le visage altéré.
    « C’était… commença-t-il.
    –  On peut passer maintenant, l’interrompit Ravic. Allez-y. »
    On eût dit qu’un cyclone avait balayé le carrefour.
    « Avancez ! » répéta Ravic.
    Des cris retentissaient du côté de la rue Cambronne. Il y eut un second coup de feu. Le chauffeur poursuivit sa route.
     
    Ils étaient sur la terrasse, surplombant le jardin. On voyait des masques partout. Dans l’ombre profonde des petits arbres, les roses étaient en fleur. Des bougies surmontées d’abat-jour répandaient une clarté vacillante. Dans un pavillon un petit orchestre jouait un menuet. On eût dit un tableau de Watteau qui se serait mis à vivre.
    « Joli ? dit Kate Hegstrœm.
    –  Oui.
    –  Réellement ?
    –  Oui, Kate. De loin, tout au moins.
    –  Venez. Allons dans le jardin. »
    Sous les grands arbres au feuillage touffu, un spectacle irréel se déroulait. La lumière incertaine des chandelles chatoyait sur des brocarts d’or et d’argent, sur des velours rose, vert d’eau, ou d’un bleu fané. Les rayons tremblotants tombaient sur des perruques énormes et sur des épaules nues et poudrées, que la musique des violons semblait caresser. Les couples disparaissaient lentement aux détours des allées. Ici, une fontaine lançait une cascade de cristal ; là, des haies sévèrement taillées formaient un arrière-plan stylisé.
    Ravic remarqua que même les domestiques étaient costumés. Les détectives le seraient donc également. Ce ne serait vraiment pas mal, songea-t-il, d’être arrêté par Molière ou Racine. Ou encore par un bouffon de cour.
    Il leva les yeux. Une large goutte tiède venait de tomber sur sa main. Le ciel rouge s’était assombri.
    « Il va pleuvoir, Kate, dit-il.
    –  Mais non. C’est impossible. Le jardin…
    –  Vous voyez bien qu’il pleut. Venez vite ! »
    Il prit son bras et ils se hâtèrent vers la terrasse. Ils y arrivèrent juste au moment où l’averse commençait. L’eau tombait à torrents, éteignant les chandelles. En quelques secondes, les décorations des tables pendirent comme des torchons incolores. Ce fut la panique. Les marquises, les

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