Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
Vom Netzwerk:
c’est-ce qu’il me faut ! »
    Elle était devant le lit, respirant avec force. Ravic étendit la main vers la bouteille de calvados.
    « Alors pourquoi es-tu ici ? » dit-il simplement.
    Elle ne répondit pas tout de suite.
    « Tu le sais, dit-elle à voix basse. Pourquoi le demandes-tu ? »
    Il remplit un verre et le lui tendit.
    « Je ne veux pas boire, dit-elle. Qui était cette femme ?
    –  Une patiente. »
    Ravic n’était pas en humeur de mentir.
    « Une femme très malade.
    –  Tu mens ! Trouve quelque chose de mieux. Une femme malade est à l’hôpital. Pas dans une boîte de nuit. »
    Ravic posa son verre. La vérité est parfois si improbable.
    « C’est pourtant vrai, dit-il.
    –  Tu l’aimes ?
    –  Qu’est-ce que ça peut te faire ?
    –  L’aimes-tu ?
    –  Mais qu’est-ce que ça peut bien te faire, Jeanne ?
    –  Ça me fait quelque chose ! Tant que tu n’aimes personne… »
    Elle hésita.
    « Tu viens de la traiter de grue. Comment pourrait-il être question d’amour ?
    –  J’ai dit ça, mais j’ai bien vu qu’elle n’en était pas une. C’est même pourquoi je l’ai dit. Je ne serais pas venue pour une grue. L’aimes-tu ?
    –  Éteins la lumière et va-t’en. »
    Elle se rapprocha.
    « J’en étais sûre. Je l’ai vue !
    –  Va-t’en au diable, dit Ravic. Je suis fatigué. Va-t-en au diable avec ta charade ignoble, que tu crois avoir inventée… Un homme pour l’intoxication, pour l’amour soudain, ou pour ta carrière, et l’autre que tu prétends aimer complètement et différemment, comme refuge, entre-temps, si l’imbécile est prêt à marcher. Va-t’en au diable ; tu as trop de sortes d’amour.
    –  Ce n’est pas vrai. Pas comme tu le dis. Ce n’est pas vrai. Je veux te revenir. Et je vais te revenir. »
    Ravic emplit son verre.
    « Tu le voudrais, c’est possible. Mais ce n’est qu’une illusion. Une illusion que tu as créée de toutes pièces pour te rendre les choses plus faciles. Tu ne reviendras jamais.
    –  Si, je reviendrai !
    –  Non. Pour un temps, tout au plus. Et puis quelqu’un d’autre passera, qui ne voudra que toi, rien que toi, et tout recommencera. Un avenir intéressant pour moi !
    –  Non, non ! Je veux rester avec toi. »
    Ravic se mit à rire.
    « Jeanne, dit-il presque avec tendresse, tu ne resteras pas avec moi. On ne peut pas emprisonner le vent. Ni l’eau. Si on les emprisonne, ils pourrissent. Le vent prisonnier devient de l’air fétide. Tu n’es pas faite pour demeurer en place.
    –  Toi non plus.
    –  Moi ? »
    Ravic vida son verre. Le matin, la femme aux cheveux d’or roux ; puis Kate Hegstrœm avec la mort dans le ventre, et une peau comme de la soie fragile ; et maintenant celle-ci, sans considération, gourmande de vivre, encore étrangère à elle-même, et pourtant se connaissant si bien, naïve et rusée à la fois, fidèle d’une façon étrange, et pourtant aussi volage que sa mère la Nature, flottant au gré des vents, voulant se retenir, et s’envolant pourtant…
    « Moi ? répéta-t-il. Que sais-tu donc de moi ? Que sais-tu de l’amour qui s’installe dans une vie où tout est devenu incertain et discutable ? Qu’est-ce donc que ta minable intoxication comparée à cela ? Lorsque le sentiment se lève comme un mirage dans le désert du silence, et prend forme ?… Lorsque l’illusion du sang devient inexorablement un paysage, en comparaison duquel tous les rêves semblent pâles et vulgaires ? Un paysage d’argent, une ville de filigrane et de quartz rose, qui resplendit comme la réflexion du sang écarlate… Que connais-tu de cela ? Crois-tu qu’il soit si facile d’en parler ? Qu’une langue déliée peut le traduire par une série de clichés, de mots, ou même de sentiments ? Que connais-tu des tombeaux qui s’ouvrent et de la crainte des nuits vides et incolores ? Ils s’ouvrent, et on n’y trouve pas de squelettes dénudés. On y trouve la terre, les graines fertiles, et déjà, les premières verdures. Que connais-tu de cela ? Tu aimes l’intoxication, la conquête, l’autre toi-même qui voudrait mourir en toi et qui ne mourra jamais, tu aimes la duperie orageuse du sang, mais ton cœur demeurera vide… Car on ne peut rien conserver de ce qui ne commence pas en soi-même. Il ne pousse rien dans la tempête. C’est dans les nuits vides de la solitude que tout germe, si on ne désespère pas. Que sais-tu

Weitere Kostenlose Bücher