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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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s’épanouit une paysanne dans un champ de blé, sous le regard de l’homme qu’elle aime. Mon cœur voudrait se coucher par terre. Dans une prairie. Il voudrait se coucher, et il voudrait aussi s’envoler. Mon cœur est fou. Il t’aime quand tu es au volant de la voiture. Ne rentrons jamais à Paris ! Si tu le veux, volons un coffre de bijoux ou une banque, et partons avec la voiture pour ne plus jamais revenir. »
    Ravic s’arrêta devant un petit bistrot. Le bruit du moteur mourut doucement et de loin leur parvint la respiration sourde et géante de l’océan.
    « Entrons ici, dit-il. Nous y trouverons du calvados. Combien en as-tu déjà bu ce soir ?
    –  Trop. C’est à cause de toi. Et puis, j’en ai eu assez du bavardage de mes deux imbéciles.
    –  Pourquoi n’es-tu pas venue à moi, alors ?
    –  Je suis venue.
    –  Oui, lorsque tu as cru que je partais. Tu as mangé ?
    –  Presque pas. J’ai faim. As-tu gagné ?
    –  Oui.
    –  Alors, allons au restaurant le plus cher, buvons du Champagne avec du caviar, et soyons comme étaient nos parents, avant toutes ces guerres, soyons insouciants et sentimentaux, soyons sans crainte, livrons-nous à tout ce qui est de mauvais goût, aux larmes, à la lune, aux oléandres, aux violons, à l’océan et à l’amour. Je veux croire, ce soir, que nous allons avoir des enfants et un jardin, et une maison, et que toi tu auras un passeport et un avenir, et que moi j’ai abandonné pour toi une merveilleuse carrière, et que nous nous aimerons toujours après vingt ans, que nous serons jaloux, que tu me trouveras toujours belle, et que je ne pourrai pas dormir quand tu seras absent le soir… »
    Il vit que des larmes roulaient sur son visage. Elle sourit.
    « Imaginons tout cela, mon amour…
    –  Allons jusqu’au château Madrid. C’est dans la montagne, et il y a des tziganes et tu pourras commander ce que tu voudras. »
     
    C’était l’aube. Au-dessus la mer était grise et immobile. Le ciel n’avait ni couleurs ni nuages. Seule une petite rayure d’argent se devinait à l’horizon. Le silence était si profond, que Jeanne et Ravic pouvaient s’entendre respirer. Ils étaient les derniers convives.
    « Le jour, dit Ravic. La nuit est maintenant quelque part, de l’autre côté de la terre. Un jour, les avions seront assez rapides pour la rejoindre et la dépasser. Ils iront aussi vite que la terre. Alors, si tu me redis à quatre heures du matin que tu m’aimes, nous pourrons faire qu’il soit pour toujours quatre heures du matin. Nous volerons sans arrêt autour de la terre et les heures s’arrêteront. »
    Jeanne s’appuya contre lui.
    « Où est-cet avion ? Nous serons vieux, mon amour, lorsqu’on l’aura inventé. Et je ne veux pas vieillir. Et toi ?
    –  Si.
    –  Pourquoi ?
    –  Je veux savoir ce qu’il adviendra de notre planète.
    –  Moi, je ne veux pas vieillir.
    –  Tu seras toujours jeune. La vie coulera seulement sur ta figure, en la rendant plus belle encore. On n’est vieux que lorsqu’on ne sent plus rien.
    –  Non. On est vieux lorsqu’on cesse d’aimer. »
    Ravic ne répondit pas. « Te quitter ! Te quitter, songeait-il. À quoi donc pensais-je, il y a une heure à Cannes ? »
    Elle remua dans ses bras et il lui dit :
    « La fête est terminée, et je t’emmène chez nous. Nous allons dormir ensemble. Comme c’est beau ! Comme c’est beau de vivre complètement, et pas seulement avec une partie de soi-même ! Viens, rentrons. Rentrons à notre foyer d’emprunt, à l’hôtel blanc qui ressemble à une maison de campagne. »
    Le moteur arrêté, la voiture dévala silencieusement la pente douce qui serpentait. Le jour montait lentement. La terre exhalait un parfum de rosée. Sur la Corniche, ils croisèrent des voitures chargées de fleurs et de légumes. Ils étaient sur la route de Nice. Plus loin ils dépassèrent un bataillon de chasseurs alpins.
    Ravic regarda Jeanne, et elle lui sourit. Son visage pâle et fatigué avait quelque chose d’infiniment fragile. Il lui parut plus merveilleux que jamais dans ce matin, encore sombre et magique, qui n’avait pas encore d’heures, et qui leur semblait flotter hors du temps rempli de quiétude, sans craintes et sans questions.
    Le grand cercle de la baie d’Antibes se dessina devant eux. L’aube s’éclairait de plus en plus. En contraste, les silhouettes sombres et grises de trois croiseurs et d’un torpilleur se

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