L'archer démoniaque
forêt d’Ashdown. Lady Madeleine critiquait sans barguigner son demi-frère, surtout en ce qui concernait ses opinions religieuses.
Il fit une pause.
— Personne d’autre ?
— Ashdown, comme toutes nos forêts, a sa large part de bandits de grand chemin. L’un d’eux en particulier, qui se fait appeler le Hibou, a expédié avertissements et lettres de menaces à Lord Henry dans les mois qui ont précédé sa mort. Frère Cosmas, le prêtre franciscain de l’église locale de St Oswald-sous-les-Arbres, s’est lui aussi querellé avec notre bon seigneur.
Le roi soupira.
— La liste est interminable. Et il y a autre chose.
Le souverain se leva et, après avoir fermé la porte d’un coup de pied, tourna la clé dans la serrure.
— Je vais vous envoyer là-bas, Hugh, mais vous devez être prudent. Il se peut que ce soit un piège. Craon désirait peut-être la disparition de Fitzalan, mais il peut aussi vouloir achever l’oeuvre de l’assassin fou d’Oxford !
CHAPITRE II
Édouard remplit un gobelet et le déposa devant son clerc qu’il observa avec attention.
— Cela ne semble pas vous préoccuper, Hugh !
Corbett haussa les épaules.
— Craon veut ma tête depuis des années !
— Mais cette fois il pourrait bien réussir, remarqua Warrenne. Philippe patricote {7} dans toutes les cours. Le pape Boniface VIII est, pour ainsi dire, son prisonnier. Nous savons qu’il a des espions chez les rebelles d’Écosse et qu’il aimerait se mêler de notre commerce de laine avec les Flandres.
Le vieux comte se racla la gorge.
— Vous êtes pour lui un satané gêneur, Corbett. Vous avez peut-être gagné votre pari avec Ranulf, mais ils veulent vraiment votre peau !
Surrey tentait simplement de faire perdre son sang-froid au clerc, mais ce dernier connaissait les règles du jeu. Il avait entendu les ragots, il savait que le comte le récusait en tant que clerc, ignorant les dangers, les complots des assassins secrets tout comme les combats de Corbett au pays de Galles et en Écosse.
— Voulez-vous dire, Sire, que Craon a tué Fitzalan en sachant fort bien que vous m’enverriez à Ashdown ?
— Il se peut qu’il se produise un autre accident dans la forêt, acquiesça le roi.
— Charmante hypothèse ! Mais vous avez fait allusion à autre chose...
— C’est vrai. Le matin de l’assassinat de Lord Henry, le corps nu d’une jeune femme a été abandonné devant la poterne du prieuré de St Hawisia. Bien entendu, les nonnes en ont été toutes bouleversées. Nous ignorons l’identité de la jouvencelle, l’endroit d’où elle vient et qui lui a fiché une flèche en pleine gorge. De la terre et des morceaux de feuilles souillaient la dépouille en décomposition. La soeur de St Hawisia qui a habillé la défunte pour l’inhumation pense qu’elle a été tuée il y a déjà un certain temps et enfouie dans une clairière en forêt. Puis qu’on a déterré le cadavre pour faire une plaisanterie macabre et qu’on l’a déposé devant les grilles du prieuré.
— Et qu’en a-t-on fait ? s’enquit Corbett.
— Lady Madeleine, par miséricorde, l’a fait ensevelir dans le cimetière privé du prieuré avant de rapporter les faits au shérif local. Vous voyez, Hugh, il y a donc eu deux meurtres par flèche dans la forêt d’Ashdown. Est-ce l’oeuvre du Hibou ? Les deux morts sont-elles absolument sans lien ? Quoi qu’il en soit, je vous envoie là-bas, muni de mandats pour faire ce que vous avez à faire.
— Mais vous ne vous souciez pas vraiment de la disparition de Lord Henry ?
— C’est exact, Hugh : peu me chaut qu’il soit au ciel ou en Enfer. Mais sa mort me donne l’occasion de découvrir pourquoi les Français ont insisté pour que Lord Henry conduise la délégation anglaise à Paris lors des pourparlers de fiançailles. Je veux savoir si c’est un traître, lui et sa maison.
Édouard se rencogna dans sa chaire.
— Dans quelques années, la princesse Isabelle sera en âge d’épouser mon bon à rien de fils qui fera son devoir et engendrera un héritier.
— Et cet héritier sera le petit-fils de Philippe IV ?
— Parfaitement ! Un traité solennel et un décret papal me font obligation de conclure ce mariage. Mais si je découvre que Philippe a rompu la trêve en conspirant avec un de mes grands seigneurs...
— Vous enverrez vos hommes de loi en Avignon, termina Corbett à la place du roi, et exigerez que le traité
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