L'archer démoniaque
à sa rescousse.
Le verdier entendit des craquements sous le couvert et observa les lieux avec attention, mais ce n’était qu’un blaireau qui sortait de son terrier pour humer l’air matinal. « Sir William a-t-il tué son frère pour s’emparer de sa fortune, puis fait accuser un pauvre verdier ? » se demanda Verlian qui n’était plus sûr de rien. La faim l’affaiblissait, il avait l’esprit troublé et confus. N’avait-il pas rêvé de tuer Lord Henry ? Et, pis encore, où était Alicia ce matin-là ? Cela avait-il pu arriver ? Il sursauta. Était-ce son imagination ? Non, une corne de chasse sonnait bien dans les bois. Verlian avait entendu les rumeurs prétendant que Sir William, à présent seigneur du manoir, avait décidé de capturer l’assassin de son frère. Des récompenses avaient déjà été offertes : cent livres sterling pour le criminel, mort ou vif. Verlian, en soldat qui avait l’expérience des marais écossais, gémit de terreur. Peut-être s’était-il trompé ? À nouveau le son de la corne, nettement plus proche, suivi par les aboiements des chiens de Fitzalan, des limiers entraînés à pister un homme.
Verlian bondit et, à moitié plié en deux, s’éloigna en courant aussi vite qu’il le pouvait loin de ce terrible bruit, mais plus il avançait, plus la chasse s’approchait. Il tenta de reconnaître l’endroit où il se trouvait. Il se remémora les jours où lui-même chassait. S’il pouvait atteindre le ruisseau de Radwell, l’eau l’aiderait à cacher son odeur, mais où cela le mènerait-il ?
Il déboucha dans une clairière et aperçut une hutte. La porte en était ouverte et une volute de fumée s’élevait du toit de chaume. Il essaya de se repérer et s’accroupit un instant pour s’orienter. Oui, oui, voilà : c’était là que demeuraient Jocasta la sorcière et sa fille simple d’esprit. Elles pourraient sans doute l’aider. Il s’élança vers la porte ouverte. À l’intérieur, les deux occupantes étaient assises près de la table. Jocasta était une grande femme au teint bistré et ses cheveux noirs comme du charbon tombaient sur son visage rude. Elle ne cillait jamais. Sa fille, chevelure châtain terne et regard vide, se contenta de lever la main et continua à chantonner, penchée sur la petite poupée de bois qu’elle berçait dans son giron.
— J’ai besoin de nourriture ! haleta le verdier.
— Vous n’en trouverez point céans, Robert Verlian !
— Je suis innocent !
— Aucun homme n’est innocent.
— Pour l'amour de Dieu ! cria Verlian en entendant se rapprocher les chiens de chasse.
Jocasta se dirigea vers un panier près de la porte et jeta deux pommes dans la main du fugitif.
— Vous êtes un homme mort, Verlian. En supposant que Sir William ne vous tue pas, ses limiers s’en chargeront !
— Je vous en prie !
— Servez-vous de votre cervelle ! Avez-vous l’esprit aussi égaré que ma fille ? Vous avez imploré Dieu, allez donc vers Lui !
Elle lui claqua la porte au nez. Verlian mordit dans les pommes. Elles étaient acides et sa bouche était si sèche qu’il eut du mal à mastiquer. Il s’apprêtait à reprendre sa course quand il se souvint de ce que la sorcière venait de dire. Il suffoqua de soulagement. Bien sûr, il n’y avait qu’un seul endroit qui pouvait l’abriter. Il fonça dans la clairière. Haletant, en proie à des nausées, éperdu, Verlian se fraya un chemin dans les buissons en cherchant le sentier dont il avait besoin. Les poursuivants se rapprochaient ; les hurlements des mâtins résonnaient comme le glas. Le verdier courait, courait, sans tenir compte de la bile qui remontait dans sa gorge, des larmes qui lui piquaient les yeux, des douleurs aiguës dans ses jarrets et de la terrible crampe à son flanc gauche. Il trébucha et tomba de tout son long en s’écorchant les mains et en se blessant aux joues sur les durs cailloux de la piste. Il se releva, reprit sa course et, enfin, parvint dans la clairière où, devant lui, s’ouvraient les portes de St Oswald-sous-les-Arbres. À bout de souffle et vacillant, il se jeta dans l’église, referma avec violence l’huis derrière lui, le barra et s’y adossa. Le petit édifice était sombre ; une seule lueur montait du jubé grossièrement sculpté. Il entrevit des bancs et des tabourets dans les transepts plongés dans l’ombre.
— Qui va là ?
Une silhouette s’avança. Verlian reconnut le
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