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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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le nord durent s'en
repentir. Aux environs de 1790, les prisonniers qui s'évadaient des
pénitenciers coloniaux anglais établis aux alentours de Sydney s'imaginaient
pouvoir gagner la Chine à pied en quelques semaines, depuis New South Wales 21 .
Le commun des marins hollandais des xvu e et xvm e siècles
n'était probablement pas mieux informé. Mais de toutes les suppositions, la
plus fascinante est sans doute qu'une poignée de ces rescapés soient parvenus à
s'acclimater sur le sol du Continent Rouge et y aient fait souche. Ils furent
accueillis par les populations indigènes, se marièrent et vécurent en paix dans
ces tribus, à vingt-trois mille kilomètres des Pays-Bas, de ses moulins et de
ses canaux.
    Les traces de ces survivants ont périodiquement refait
surface, au cours des deux derniers siècles 22 . Dans les premières
années de la colonie de la Swan River (la première colonie britannique
permanente en Australie occidentale, fondée en 1829), on recueillit le
témoignage de voyageurs qui disaient avoir croisé des tribus d'aborigènes au
teint clair, établies à proximité de la côte. Ces histoires ressemblent à
celles des Indiens blancs que certains pionniers disent avoir vus sur le continent
américain et qui sont généralement reléguées dans la catégorie « récits de
voyages enjolivés ». Reste que, dans certains cas, les indices rapportés sont
pour le moins troublants. L'explorateur A.C. Gregory rapporte avoir rencontré
en 1848, aux abords de la Murchison River, une tribu dont les caractères
physiques s'écar-taient considérablement du type aborigène australien le plus
répandu : « Leur teint n'était ni noir ni cuivré, mais de cette couleur dorée,
caractéristique d'un métissage avec les races européennes. »
    A la grande déception de Gregory, il lui fut impossible
d'établir qu'ils possédaient des techniques inconnues des autres tribus. Treize
ans plus tard, la Gazette de Perth rapporta des rencontres avec des
natifs « de teint clair, avec de longs cheveux clairs qui leur tombaient sur
les épaules ». Selon Edward Cornally, employé dans l'une des exploitations
locales, il n'était pas rare de rencontrer des sujets présentant ce type, le
long de la Gascoyne, de la Murchison et de l'Ashburton. D'autres auteurs du xrx e siècle suggèrent que l'on avait assez souvent l'occasion d'observer des
chevelures claires parmi les populations Nandas. Daisy Bâtes, un auteur
australien controversé qui partagea pendant quarante ans la vie de diverses
tribus aborigènes du sud et de l'ouest de l'Australie au tournant du xix e siècle, fit des observations similaires parmi la population des vallées de la
Gascoyne et de la Murchison. « On reconnaît sans erreur possible les traits
massifs des Hollandais, leurs cheveux blonds bouclés et leur puissante
charpente », souligne-t-elle. D'autres traits européens, tels que les yeux
bleus, la haute stature et la tendance à la calvitie, ont aussi été attribués
aux membres de certaines de ces tribus.
    On ne sait pas dans quelle mesure on peut ajouter foi à
ces témoignages purement anecdotiques 23 . Mais si Bâtes et les autres
observateurs des siècles passés ont vu juste, les indigènes blonds qu'ils ont
croisés descendaient plus probablement des rescapés du Vergulde Draeck ou du Zuytdorp, que de Loos et de Pelgrom. Quoi qu'il en soit, face à un
tel faisceau de présomptions, il est impossible d'écarter totalement la
possibilité que ces deux mutins si mal assortis soient parvenus à survivre sur
le continent austral. Symboliquement, Loos et Pelgrom sont tout autant les
découvreurs de l'Australie que le capitaine Cook, ou que les détenus
britanniques qui s'y établirent à partir de 1787. Et s'ils ont survécu assez
longtemps pour s'acclimater aux tribus aborigènes de la côte ouest et s'y
intégrer, ils peuvent très bien y avoir fait souche, bien après la mort de
Pelsaert et de Hayes. Ils auraient donc laissé après eux des enfants dont les
descendants vivent encore en Australie, sans avoir la moindre idée de
l'incroyable concours de circonstances qui fut à l'origine de leur lignée.
    Pendant de nombreuses années, les coordonnées exactes du
site du naufrage du Batavia et des îles sur lesquelles Cornelisz avait
établi son éphémère royaume demeurèrent presque aussi mystérieuses que le
destin des mutins abandonnés sur le continent. Et cela n'a rien que de très
logique : les Abrolhos étaient rarement

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