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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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d'accusation ne put donc être établi, faute de
preuves. Mais la résistance de Torrentius aux manœuvres de Master Gerrit eut
d'autres conséquences. Les magistrats de Haarlem n'avaient pu se faire qu'une
vague idée de l'étendue de son influence pernicieuse. Bien qu'ils aient réussi,
au cours de l'enquête, à identifier plusieurs dizaines de membres éminents de
son cercle, ils craignaient qu'un certain nombre d'autres complices du peintre
hérétique n'aient échappé à leur vigilance.
    Dans son officine déserte, sur Grote Houtstraat, Jeronimus
Cornelisz devait s'estimer heureux de ce que son nom n'ait pas été prononcé
pendant le procès de Torrentius. Mais rien ne lui garantissait que le dossier
ne serait pas rouvert, et l'enquête relancée - auquel cas, il risquait fort de
se trouver compromis. Ce fut, semble-t-il, cette crainte qui, avec la faillite
de son entreprise, acheva de le décider à quitter la ville.
    C'est du moins ce que nous suggère la date à laquelle il
libéra sa maison. Après le procès du peintre, les bourgmestres de Haarlem
bannirent de la cité tous les membres de son cercle. Le décret fut signifié aux
suspects le 5 septembre, assorti d'un délai de quelques semaines, pour liquider
leurs biens 66 . Or, il se trouve que ce délai de grâce coïncide plus
ou moins avec la période durant laquelle Cornelisz régla ses propres affaires
et céda tout ce qui lui restait à son créancier Loth Vogel. Il semble qu'il ait
quitté Haarlem à la fin de la première semaine d'octobre 1628. Il partit en
laissant tout derrière lui - sa femme, comme son passé - et prit la route
d'Amsterdam, dont les quais et les taudis regorgeaient de tant d'épaves
humaines de son espèce : déracinés, désespérés, mûrs pour la route des Indes.
    2. Ces Dix-sept Messieurs
    « Si cette nation imbue d'elle-même parvient à s'arroger
le commerce des Indes, son insolence et son orgueil passeront les limites du
supportable. »
    Henry Middleton.
    En toute logique, la cité d'Amsterdam n'aurait jamais dû
voir le jour. Quatre siècles avant que Jeronimus Cornelisz n'en franchisse les
portes, ce n'était qu'une minuscule bourgade de pêcheurs, marinant dans les marécages
insalubres qui s'étendaient à la limite méridionale du Zuyder Zee. Sa situation
n'avait rien d'enviable. Le climat - glacial et venteux en hiver, moite et
brumeux le reste de l'année - y était abominable, et son accès à la haute mer
était obstrué par un véritable labyrinthe de chenaux, de bancs de sable, et de
hauts-fonds si dangereux que les bateaux trop chargés ne pouvaient entrer dans
le port. Rien ne laissait donc prévoir qu'Amsterdam prendrait un jour un tel
essor. Et pourtant... À l'aube du xvu e siècle, cette bourgade si peu
favorisée par la nature avait surmonté ses handicaps naturels, et écrasait de
sa richesse ses rivales du monde entier 1 .
    C'est au commerce qu'Amsterdam dut ce surpre-nant succès 2 .
Dès le xv e siècle, les Hollandais s'étaient dotés d'une des flottes les plus
puissantes d'Europe. Leurs vaisseaux transportaient des matières premières
telles que le bois, le bitume ou le sel, de la Baltique à la mer du Nord et à
la côte atlantique. Les compagnies hollandaises étaient renommées pour leur
efficacité, la modicité de leurs tarifs et leur volume de transit auprès
duquel, dès la Renaissance, celui de leurs rivales paraissait dérisoire. Et les
financiers d'Amsterdam étaient le fer de lance de cette prospérité.
    Aux alentours de l'an 1500, les anciens armateurs
hollandais qui s'étaient enrichis uniquement dans le transport des marchandises
furent supplantés par des négociants qui, tablant sur la situation centrale de
la Hollande septentrionale, commencèrent à acheter et à revendre des denrées pour
leur propre compte. Les sept provinces, qui devaient par la suite se fédérer
pour constituer la République de Hollande, bénéficiaient d'une situation
géographique idéale pour profiter de l'expansion du commerce international,
jusque-là concentré autour des ports d'Espagne et d'Italie. Les Pays-Bas se
trouvaient à mi-chemin entre la Scandinavie et la péninsule Ibérique, au cœur
du réseau maritime et fluvial reliant la côte atlantique à l'Europe centrale.
Les marchandises qui arrivaient dans les ports hollandais pouvaient être
acheminées dans les plus brefs délais et à moindre coût vers l'Allemagne,
l'Angleterre, le sud des Pays-Bas et la France.
    Les cités de

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