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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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conserver les aliments et à confectionner les préparations
médicinales. Elles mettaient presque deux ans à franchir la distance qui
séparait les arbres d'Asie où elles poussaient, des tables européennes où elles
étaient consommées. Et, jusqu'au milieu du xv e siècle, les marchands occidentaux n'eurent aucun moyen de contrôle
sur leur propre approvisionnement en épices, ni sur leurs prix, qui pouvaient
se trouver multipliés par cent au cours de leur long périple.
    En 1498, lorsque les marins portugais découvrirent une
nouvelle route vers les Indes en contournant l'Afrique, les Européens
accédèrent directement aux marchés d'Orient. Pendant tout le siècle qui suivit,
les Portugais et, dans une moindre mesure, les Espagnols explorèrent les
archipels qui s'étiraient de Sumatra aux Philippines, et en ramenèrent les
épices si convoitées, qui s'arrachaient à prix d'or dans les cités d'Occident.
Ils préservèrent jalousement le secret de leurs itinéraires maritimes et
s'assurèrent le monopole de ce commerce si lucratif - la route des Indes. Les
bénéfices de leurs expéditions allaient alimenter les coffres des rois
d'Espagne et du Portugal.
    A l'époque de Jeronimus, la compétition féroce que lui
livraient l'Angleterre et les Pays-Bas avait eu raison du monopole ibérique.
Les compagnies des Indes orientales anglaises et hollandaises contrôlaient
désormais la plupart des marchés d'Orient. Elles expédiaient leurs cargaisons vers
Londres et vers les ports des Provinces-Unies. Des milliers de sacs d'épices,
auxquels s'ajoutaient des tonnes de métal précieux, de coton et de porcelaine,
étaient déchargés chaque année dans les entrepôts de ces compagnies, générant
des richesses qui défiaient l'entendement. Les vaisseaux affluant sur les voies
maritimes les plus fréquentées, au nord d'Amsterdam, devaient parcourir une
demi-circonférence terrestre pour revenir à leur port d'attache, les cales
pleines. Les entrepôts, diligemment surveillés, se regroupaient autour des
quais de déchargement, où s'entassaient les sacs d'épices. Les établissements
de vente à la criée, puis les « épiceries » installées le long des principales
artères de la cité, les revendaient, avec à chaque étape une marge bénéficiaire
si exorbitante que les émigrants affluaient de toute l'Europe vers la grande
cité, dans l'espoir d'en avoir leur part.
    A Amsterdam, votre détermination à prendre le risque d'un
long voyage prévalait sur votre passé, puisqu'il suffisait, là-bas, de réaliser
une ou deux bonnes opérations pour se refaire une fortune et une réputation.
    Et c'est bien ce qui y attira Jeronimus Cornelisz.
    Les Hollandais commencèrent à s'intéresser aux Indes en
1590, lorsqu'ils comprirent que les richesses de l'Orient surpasseraient celles
que l'on pouvait tirer du commerce de la fourrure, de l'huile de baleine, ou du
bois. A cette époque, le commerce avec les Indes était encore aux mains des
Portugais et des Espagnols 5 , dont la domination sur le trafic des
épices avait été ratifiée, un siècle auparavant, par le traité dit de
Tordesillas. Cet accord, qui fut signé en 1494 avec la bénédiction du pape
Alexandre VI, entérinait le partage du monde entre le Portugal et l'Espagne,
selon un méridien situé à trois cent soixante-dix lieues à l'ouest des îles du
Cap-Vert. Cette dernière s'octroyait tous les territoires restant à découvrir
dans la partie du globe située à l'ouest de cette ligne, tandis que la partie
est revenait au Portugal. Les Espagnols se voyaient ainsi attribuer les
Amériques, tandis que les Portugais se réservaient l'Orient. Les deux grandes
puissances ibériques se partageaient donc les Indes orientales et occidentales,
selon un duopole commercial qui était loin de faire l'unanimité, même parmi
leurs propres citoyens. Voici ce que disait le célèbre missionnaire saint
François Xavier des officiers portugais à qui il avait affaire en Orient : «
Leur savoir se limite à la conjugaison du verbe rapio (voler), auquel
ils inventent de nouveaux temps et participes avec une aisance déconcertante. »
    On comprend que cet arrangement désobligeât d'autant plus
les Hollandais et les Anglais, qui en étaient exclus et guignaient avec envie
les îles productrices d'épices.
    Mais il n'était pas simple de rivaliser avec la domination
ibérique. L'Espagne et le Portugal protégeaient leur monopole en entourant d'un
secret absolu toutes les

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