L'art de la Guerre (Les Treize Articles)
leurs gens ne soit de l'autre
côté ; vous combattrez alors avec tout l'avantage de deux
contre un. Près des rivières mêmes tenez toujours les hauteurs,
afin de pouvoir découvrir au loin ; n'attendez pas l'ennemi
près des bords, n'allez pas au-devant de lui ; soyez toujours
sur vos gardes de peur qu'étant surpris vous n'ayez pas un lieu
pour vous retirer en cas de malheur.
III. Si vous êtes dans des lieux glissants,
humides, marécageux et malsains, sortez-en le plus vite que vous
pourrez ; vous ne sauriez vous y arrêter sans être exposé aux
plus grands inconvénients ; la disette des vivres et les
maladies viendraient bientôt vous y assiéger. Si vous êtes
contraint d'y rester, tâchez d'en occuper les bords ;
gardez-vous bien d'aller trop avant. S'il y a des forêts aux
environs, laissez-les derrière vous.
IV. Si vous êtes en plaine dans des lieux unis
et secs, ayez toujours votre gauche à découvert ; ménagez
derrière vous quelque élévation d'où vos gens puissent découvrir au
loin. Quand le devant de votre camp ne vous présentera que des
objets de mort, ayez soin que les lieux qui sont derrière puissent
vous offrir des secours contre l'extrême nécessité.
Tels sont les avantages des différents
campements ; avantages précieux, d'où dépend la plus grande
partie des succès militaires. C'est en particulier parce qu'il
possédait à fond l'art des campements que l'Empereur Jaune triompha
de ses ennemis et soumit à ses lois tous les princes voisins de ses
États
Il faut conclure de tout ce que je viens de
dire que les hauteurs sont en général plus salutaires aux troupes
que les lieux bas et profonds. Dans les lieux élevés mêmes, il y a
un choix à faire : c'est de camper toujours du côté du midi,
parce que c'est là qu'on trouve l'abondance et la fertilité. Un
campement de cette nature est un avant-coureur de la victoire. Le
contentement et la santé, qui sont la suite ordinaire d'une bonne
nourriture prise sous un ciel pur, donnent du courage et de la
force au soldat, tandis que la tristesse, le mécontentement et les
maladies l'épuisent, l'énervent, le rendent pusillanime et le
découragent entièrement.
Il faut conclure encore que les campements
près des rivières ont leurs avantages qu'il ne faut pas négliger,
et leurs inconvénients qu'il faut tâcher d'éviter avec un grand
soin. Je ne saurais trop vous le répéter, tenez le haut de la
rivière, laissez-en le courant aux ennemis. Outre que les gués sont
beaucoup plus fréquents vers la source, les eaux en sont plus pures
et plus salubres.
Lorsque les pluies auront formé quelque
torrent, ou qu'elles auront grossi le fleuve ou la rivière dont
vous occupez les bords, attendez quelque temps avant que de vous
mettre en marche ; surtout ne vous hasardez pas à passer de
l'autre côté, attendez pour le faire que les eaux aient repris la
tranquillité de leur cours ordinaire. Vous en aurez des preuves
certaines si vous n'entendez plus un certain bruit sourd, qui tient
plus du frémissement que du murmure, si vous ne voyez plus d'écume
surnager, et si la terre ou le sable ne coulent plus avec
l'eau.
Pour ce qui est des défilés et des lieux
entrecoupés par des précipices et par des rochers, des lieux
marécageux et glissants, des lieux étroits et couverts, lorsque la
nécessité ou le hasard vous y aura conduit, tirez-vous-en le plus
tôt qu'il vous sera possible, éloignez-vous-en le plus tôt que vous
pourrez. Si vous en êtes loin, l'ennemi en sera près. Si vous
fuyez, l'ennemi poursuivra et tombera peut-être dans les dangers
que vous venez d'éviter.
Vous devez encore être extrêmement en garde
contre une autre espèce de terrain. Il est des lieux couverts de
broussailles ou de petits bois ; il en est qui sont pleins de
hauts et de bas, où l'on est sans cesse ou sur des collines ou dans
des vallons, défiez-vous-en ; soyez dans une attention
continuelle. Ces sortes de lieux peuvent être pleins
d'embuscades ; l'ennemi peut sortir à chaque instant vous
surprendre, tomber sur vous et vous tailler en pièces. Si vous en
êtes loin, n'en approchez pas ; si vous en êtes près, ne vous
mettez pas en mouvement que vous n'ayez fait reconnaître tous les
environs. Si l'ennemi vient vous y attaquer, faites en sorte qu'il
ait tout le désavantage du terrain de son côté. Pour vous, ne
l'attaquez que lorsque vous le verrez à découvert.
Enfin, quel que soit le lieu de votre
campement, bon ou
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