Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
Vom Netzwerk:
l’affirmation des
vérités morales révélées à la Chine par les sages des anciens
jours. Sous les Mings, au moment où ils vont déposer l’outil, où la
Chine, piétinant sur place, va laisser le Japon échapper à son
étreinte pour qu’il se rue dans la liberté de la vie à la conquête
de lui-même, les artistes chinois ont acquis une virtuosité
grandiose. Pour garder leurs temples, ils fondent d’énormes statues
de fer. Ils décorent des murs et des voûtes de grandes figures
étranges, qui s’organisent en lignes mélodiques ondulant en courbes
irrégulières, mais continues et rythmées comme des rides à la
surface de l’eau. Dans les avenues colossales, les monstres
grimaçants et les chimères alternent avec les éléphants massifs,
les dromadaires, les guerriers droits et purs comme des tours.
    C’est donc aussi bien dans les formes les plus
détournées de leur réalité première que dans les pierres sculptées
qui rappellent le plus les masses vivantes se profilant sur une
plaine poussiéreuse à l’approche du soir, les vraies bêtes
domestiques des troupeaux et des caravanes, qu’on peut chercher le
centre de l’âme chinoise, dépourvue d’imagination, mais si ferme et
si concentrée qu’il n’est pas impossible que son réalisme immobile
parvienne à faire reculer un jour l’idéalisme ascensionnel de
l’Occident pour s’imposer aux hommes avides de repos. C’est une
immensité que l’art chinois. L’ouvrier d’art y joue un rôle aussi
unanime, aussi permanent qu’en Égypte. Il peuple, depuis trente
siècles, de meubles, de tapis, de vases, de bijoux, de figurines,
les demeures des vivants et les demeures des morts. Les trois
quarts de sa production sont peut-être encore sous terre. Les
vallées de ses deux fleuves constituent une mine d’art sans doute
aussi inépuisable que celle de la vallée du Nil. Et aussi variée en
formes graves, ou terribles, ou charmantes, toujours imprévues et
subtiles, des pots de bronze qu’ils enfouissent volontairement pour
des siècles afin que la patine des sucs et des minéraux terrestres
agisse avec lenteur sur eux, aux foules de « Tanagras »
qui sortent de leurs nécropoles, moins pittoresques à coup sûr que
leurs sœurs grecques, mais aussi plus résumées, plus pures, conçues
selon des profils plus fuyants, des plans plus décisifs, des masses
plus tournantes, et apportant à la grâce, à la chasteté, à la
majesté féminines un hommage encore plus touchant. Qu’importe
l’apparence à première vue paradoxale de cet art infini où nous
commençons à apercevoir, comme nous l’avons fait pour l’Égypte au
premier abord aussi monstrueuse, la simplicité, l’unité, la
cohérence grandiose des plus étranges conceptions ! Sous les
grimaces de ses statues, sous les vêtements compliqués dont elle
les couvre, sous les corniches biscornues de ses architectures, le
hérissement des monstres vernissés et le flamboiement rouge et or
de ses sanctuaires, il y a la présence réelle d’une charpente
indestructible. Le modelé sculptural, sinueux et balancé chez les
Grecs, mouvant chez les Indiens, rectangulaire chez les Égyptiens,
est sphérique chez les Chinois. Le passage et le plan, sous les
ornements et les attributs symboliques, sous les replis et les
torsions les plus désordonnés des monstres, le passage et le plan
pénètrent l’un dans l’autre par progrès continus et lents, comme
pour faire un bloc fermé. Dans les sculptures essentielles, on
dirait que la forme monte lentement vers l’abstraction, que
l’abstraction descend lentement vers la forme et qu’un éclair
jaillit où la fusion se fait, éternelle, compacte, pure. La Chine,
alors, avec l’Égypte, la Grèce, l’Inde, la France du Moyen Âge, la
Chine atteint l’une des cimes de l’esprit.

V
    L’unité sphérique du modelé qui traduit son
âme immémoriale est l’image de sa substance. Par sa configuration,
par son sol, par la race qui la peuple, la Mésopotamie chinoise est
une. La Chine et les Chinois font une chose agglomérée où la
solidarité morale et sociale, la passivité, l’impersonnalité des
foules prolongent leur pays jusqu’aux profondeurs de leur être.
C’est une masse jaune, sans contours, faite des poussières
séculaires apportées par les vents du Nord et dont les tourbillons
éternels assombrissent le disque solaire, de la glaise entraînée
par les fleuves pour couvrir la terre d’alluvions, des

Weitere Kostenlose Bücher