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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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rester
subordonné. Mais où saisir ce moment-là ? Le caractère et la
caricature oscillent autour d’un point purement idéal que tous les
yeux ne placent pas au même endroit. Pour un œil japonais, sans
doute, le caractère continue, alors que la caricature a déjà
commencé pour nous.
    Ce qui entraîne peut-être au delà du but
l’artiste du Japon, c’est à la fois la tournure ironique de son
esprit et sa miraculeuse adresse, dont il ne se défie pas assez.
Quand il saisit dans un éclair la forme en mouvement, – la forme
des petits animaux surtout, car Sôsen à part, le peintre sauvage et
pur qui vivait dans les bois comme une bête pour surprendre les
grappes de singes blottis sur les maîtresses branches et grelottant
dans la neige ou le froid de l’aube, le Japonais n’a peut-être pas
aussi bien compris les grands mammifères dont son œil un peu myope
ne sait pas embrasser la masse, – il donne une impression
d’infaillibilité. Il a scruté les microcosmes d’un si patient et
sagace regard, que c’est au travers d’eux qu’il a refait le monde,
comme le reconstruit un savant dans le champ de l’objectif. Le
soleil lui est apparu derrière des toiles d’araignées. Près de lui,
l’Occident semble avoir négligé, pour ramener tout à l’homme et au
milieu général de son action, ce qui est à ras du sol, près de
notre œil, à la portée de notre main, ce qui ne se voit qu’en
inclinant la tête, en fixant longuement le même point, en ne levant
le front que pour reposer ses regards d’avoir trop longtemps
regardé. Il a bien vu des formes, et des lignes, et des couleurs,
et leurs larges combinaisons, jamais il n’a vu une fleur, ni une
plante, il n’a jamais étudié le friselis léger d’une eau, ni le
tremblement d’une feuille. Comme il s’enfermait pendant la rafale,
il n’a pas vu comment la pluie griffe l’espace ou rebondit dans les
flaques du sol, et comme il sortait dès qu’il faisait soleil, il
n’a pas étudié la poussière qui danse dans les rayons. Le Japonais,
lui, a classifié comme une science les révélations les plus
secrètes de sa curiosité ardente. Il a l’œil un peu myope, il est
fort méticuleux, il s’accroupit pour surveiller ses légumes,
soigner ses fleurs, greffer ses arbustes et faire la chasse aux
insectes ennemis. La vie de son jardin devient le motif principal
de sa méditation qui chemine ironique à travers de minuscules
anecdotes et de petits concerts bruissants. Il a surpris le vaste
monde en ses inquiétudes les plus humbles. Il a visité les fleurs
aquatiques avec la brusque libellule, rôdé avec l’abeille de la
ruche aux fleurs de glycine, piqué le fruit sucré avec la guêpe,
noté la flexion du brin d’herbe sous le poids du papillon. Il a
entendu sous les élytres soulevés, se déplisser les ailes
transparentes, il a observé avec une sympathie passionnée la
tragédie qui se joue entre la mouche et le crapaud, et c’est en
regardant les muscles circulaires rouler au flanc des couleuvres
qu’il a compris le drame silencieux de l’universelle faim. Il a
longuement surveillé les stations mélancoliques sur une haute patte
grêle et les immobilités ivres dans la fraîcheur des soleils
matinaux. Il a vu, dans les vols rigides, s’allonger les cous, et
les yeux ronds clignoter au ras des têtes plates et les becs
spatules ou pointus repasser les plumes vernies. Il a décrit les
cercles concentriques que font les araignées d’eau sur les mares,
il a découvert l’attente des roseaux quand le vent va se lever,
l’agitation que l’action des rosées et le voisinage des sources
donnent aux graminées et aux fougères. Et comme il avait vécu
toutes ces menues aventures, il n’a eu qu’à lever les yeux vers la
ligne de l’horizon pour être pénétré au premier choc par la
sérénité des montagnes dans la lumière de l’aurore, pour sentir son
cœur s’apaiser avec la venue de la nuit, pour laisser alors errer
son rêve sur l’immobilité lointaine ou le bercement des mers.

V
    Chose étrange. Bien que voyant vivre et bouger
autour d’eux, comme les sculpteurs grecs, la forme humaine nue, les
peintres japonais n’ont pas toujours mieux évoqué la forme humaine
que celle des grands animaux, et c’est quand il s’agit d’elle,
surtout, que nous hésitons à distinguer leur volonté de caractère
de leur sens caricatural… Sans doute, ils s’attendrissent sur la
rondeur d’un bras de femme, sur la

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