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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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plus rare. Tanyu (1601-1674)
employait sa verve et sa vigueur à affranchir Kano des dernières
servitudes chinoises. Itshio (1652-1724) luttait joyeusement contre
les dieux bouddhiques, et, le premier, entrait chez les paysans.
Kôrin pouvait boire à toutes les sources, briser les traditions
figées pour retrouver la tradition vivante et nouer aux
réalisations anciennes les pressentiments nouveaux.
    Dessinateur, il couvrit ses albums de ces
puissantes silhouettes dont chacune renferme, en un trait jeté d’un
coup, sans relever la main, toute la signification spécifique de
l’objet synthétisé, et par delà l’objet tous les échos qu’il
éveille dans l’univers deviné. Laqueur, il parut réinventer un art
qui passait cependant, depuis dix siècles, pour l’expression
nationale réelle du génie japonais, il fit mûrir, en lui l’esprit
du grand laqueur Koëtsou (1557-1637), créa le grand laqueur
Ritsouo [14] . Son frère, Kenzan (1663-1743), le plus
puissant, avec Ninsei, des céramistes du Japon, l’homme qui sut
incorporer à la flamme des herbes humides et des fleurs fraîches,
vint puiser en ses créations comme à une source naturelle…
Décorateur, il inspira des générations d’ouvriers qui, cent ans
après sa mort, venaient encore lui demander des motifs, des
conseils techniques, des méthodes de stylisation. Quand il faisait
couler, du bout de son pinceau, l’encre de Chine ou l’épais vernis
noir, quand il polissait ses laques d’or opaque avec la poudre de
charbon, c’était comme si toute l’âme ancienne et actuelle du Japon
se fût suspendue en son âme pour guider sa main. Il avait le
pouvoir de saisir dans la vie qui passe – quelques moineaux sur la
neige, une théorie de tortues, un vol de canards sauvages, une
touffe de roseaux, – l’imperceptible instant qui la rattache à la
vie éternelle. Une tache, une ombre, et l’absolu le traversait. Il
paraissait abandonner brusquement sa couleur et sa forme à peine
ébauchées, comme averti par l’éclair prophétique de ne pas aller
plus loin. Une feuille de son album prenait une grandeur de
fresque.
    Avant de transposer les reptiles, et les
oiseaux, et les poissons, et les petits mammifères, et les herbes
aquatiques dans la profonde gamme des verts, des noirs, des rouges
et des ors de ses laques, il avait pénétré si chaleureusement le
sens de leur animation qu’elle paraissait gonfler la belle matière
miroitante. Le trot roulant des souris, l’allure flasque des
crapauds, les vols silencieux dans le ciel, l’ondulation des algues
au fil de l’eau passaient sous l’écorce glacée. Son cœur battait
d’avoir compris la vie énorme qui se cache entre les herbes que
nous foulons, au fond des sources obscures où se noie notre regard,
et sous les larges feuilles étendues où l’ombre verte s’accumule.
Or sur or, or sur rouge, or sur noir, rouge sur rouge, noir sur or,
le laque incrusté de métaux semblait, avec les reptations, les
ailes, les branches fleuries qui le traversent, le pollen de la
poudre d’or qui pleut incessamment sur lui, un lingot d’or sombre
où la vie tremble.
    C’est de Kôrin que descendit sur l’avenir, en
torrents, le flot toujours plus large de ces industries menues qui
donna bientôt, à tout objet pratique sortant des mains d’un
Japonais, le caractère d’une œuvre d’art. Kôrin, comme tout grand
artiste du Japon, reste ouvrier, et tout ouvrier, au Japon, peut
devenir un grand artiste, qu’il soit peintre ou laqueur, bronzier
ou forgeron, céramiste ou sculpteur sur bois, charpentier,
jardinier, ou, comme Hidari Zingoro, Kôrin, Kenzan, un peu tout
cela à la fois. Une solidarité étroite et vaste réunit les unes aux
autres toutes les branches de l’industrie décorative la plus
touffue qui ait jamais été, et c’est aux plus grands peintres que
les plus humbles des ciseleurs ou des graveurs demandent tous leurs
motifs. On retrouve chez eux l’esprit des maîtres et la même
passion et la même adresse et la même puissance à imposer à la
matière les directions de cet esprit.
    Les Égyptiens seuls avant eux eurent le
pouvoir de donner aux minéraux terrestres, dans les plus petits
objets, l’aspect de la vie organique. Leurs grès flammés ont l’air
de tissus animaux, de viscères trempés dans le soufre des volcans.
Leurs netsuke, les millions de bibelots familiers et de breloques
malicieuses qu’ils récoltèrent, au XVII e siècle, ainsi
qu’une brusque

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